La saison des enfants !

Une vie, un moment de tendresse, et puis… le temps d’aimer, c’est aussi celui des enfants !

Un peu d’histoire

Né dans une vallée profonde du cœur des Vosges, j’ai eu ce que tous appellent une jeunesse plutôt heureuse. Mon père ! C’est drôle ! Après toutes ces années, je n’en garde aucun souvenir. Il faut savoir que deux ans après ma naissance, aux dires de ma mère, il s’est entiché d’une blonde de passage, une femme qui démarchait les médecins pour leur fourguer les médicaments nouveaux. Elle a mis papa dans sa valise de retour. Rien de bien original en soi ! Maman est revenue chez Grand-mère et puis la porte s’est refermée sur sa vie sentimentale. Du moins l’ai-je toujours cru !

 Je n’ai jamais vu d’autres hommes à la maison que mon grand-père, Alphonse. Avec lui, j’ai fait mes premiers pas dans la vie. Il m’a appris à peu près tout ce qui me sert encore aujourd’hui. J’ai parcouru mille sentiers de nos montagnes, pour cueillir les brimbelles, les mures, les noisettes. Je connais toutes les cachettes de girolles grosses comme… enfin, c’est toujours les plus belles, celles que l’on trouve nous ! Non !

Ma grand-mère et ma mère, alors que je débutais les premiers rudiments de l’écriture et de la lecture, me faisaient faire leur courrier. Je vivais heureux entre deux femmes qui me couvaient et un grand-père, substitut de père qui lui, m’apprenait ce que la nature avait de magique et de beau. Oh ! Il y a bien eu quelques moments que je n’appréciais guère. Les samedis soir par exemple où les deux femmes m’autorisaient à veiller. Assis sur un banc, devant elles qui brodaient des nappes et leurs serviettes à longueur d’année, je devais lire à haute voix, un livre choisi par l’une ou l’autre. Alphonse, dans ces moments-là, bourrait sa pipe et regardait fixement la cheminée où la bûche réchauffait notre maisonnée.

Je me trouvais donc toujours en face de grand-mère et maman et ma vue se situait immanquablement au niveau de leurs cuisses et de leurs jambes. Ne voyez là aucune chose indécente, elles restaient gainées de ces bas que les années cinquante ont su si bien générer. Bien sûr, si d’aventure dans ma bouche, un mot accrochait, l’une ou l’autre me reprenait, jusqu’à ce que je le prononce de manière correcte. Il y eut donc de grands épisodes, de grandes solitudes, comme celui de la fièvre « typhoïde » que mon jeune esprit n’arrivait pas vraiment à assimiler. Mais l’autre maladie également s’évertuait à me rendre ridicule ; le « choléra ». Ils devinrent vite pour moi, synonymes de torture et il m’en reste encore aujourd’hui des souvenirs difficiles.

Cela a duré des années, puis un soir de trop de moquerie, j’ai jeté le livre, reçu une raclée pour l’avoir fait, mais grand-père m’a sauvé et je n’ai jamais plus été le lecteur des femmes. Si les samedis ont longtemps été peu appréciés, par contre j’ai acquis grâce à eux, une expérience et un goût de la lecture qui ne s’est jamais démenti. Puis comme ils précédaient les dimanches et qu’Alphonse, chauffeur du seul bus de la commune, celui de l’usine, transportait les joueurs de l’équipe locale de football, j’étais toujours à ses côtés. Enfin une jeunesse pas malheureuse, rude parfois, mais d’une qualité perdue de nos jours !

Images fugaces

Je ne saurai pas dire comment a débuté l’histoire que je vais vous raconter, mais elle a bien eu un point de départ. La première image qui m’en reste… c’est celle d’un de ces dimanches ou tous dorment et que l’orage grogne comme il le fait si bien sur notre ville encaissée dans les montagnes. Alphonse vient de se lever, il est habillé comme pour aller au travail, mais il s’équipe de ses cuissardes, il va à la pêche. L’Augronne, face à notre fenêtre montre une couleur brun-sale, celle propice aux belles captures. Moi l’orage, je n’aime pas du tout. Je me lève discrètement et file vers la chambre de ma mère. Elle dort, entre ces draps où je me faufile en essayant de ne pas me faire remarquer. Il y fait doux dans ce grand lit ! Et puis la présence de maman est rassurante. Ma tête qui file sous la couverture de laine, la respiration de la femme qui dort à côté, son sommeil, sont autant de facteurs apaisants.

Quel âge j’ai ? Treize, quatorze ans ! Pas vraiment important ! Celui de maman ? Je ne l’ai jamais vraiment su, mais elle est encore belle et les hommes l’invitent souvent à danser lors des sauteries des jours de fête au village. Dans ce havre de paix, je finis par m’endormir, alors que pas un bruit autre que celui de l’air que ma mère expire et inspire ne trouble notre maison. L’orage s’est éloigné. J’ai la sensation que quelque chose vient de bouger, contre moi.

Dans un mouvement, dans son sommeil, maman, a posé sur moi un bras que je sens bien lourd. Ses doigts sont sur mon ventre, et c’est bête, mais j’aime bien cela, moi qui fais mille simagrées pour me laver devant les deux femmes devant l’évier. Oh ! La main ne bouge absolument pas, mais c’est mon corps qui change et je ne comprends pas vraiment ! Cette main inerte me chauffe le bas du ventre et elle déclenche d’étranges réactions par là. Là où depuis quelques mois des poils sont apparus. Il n’y en a pas ailleurs, juste une touffe qui pousse au-dessus de mon zizi. Et pourquoi la main de maman, juste mise sur mon ventre, fait-elle enfler ma quéquette qui jusqu’à aujourd’hui n’a jamais été malade ?

Maman, dans son sommeil rêve, elle pousse de petits soupirs qui me foutent la trouille. Je n’ose plus faire un geste, je voudrais que ma bistouquette revienne à la normale. Encore un soupir de ma mère et elle remue un peu. Merde ! Sa main s’est déplacée. Je garde les yeux clos, mais je laisse un peu de mes paupières entrouvertes, pour vérifier si elle se réveille. Mue par je ne sais quel mécanisme, la foutue trique ne redescend pas. Ce n’est pas possible, ma mère va s’apercevoir que je suis tout raide et qu’est-ce qu’elle va me passer ! La raclée de ma vie, c’est sûrement mal d’avoir ce truc enflé comme ça, à la seule présence de la main de ma mère. C’est mal ? Mais c’est bon aussi.

L’effet que je ressens est plutôt doux. Ce merveilleux contact de la chaleur des doigts, même s’ils ne remuent absolument pas. Entre mes cils emmêlés, je vois son visage. Elle dort vraiment, profondément, mais une sorte de sourire se dessine sur ses lèvres. Il me semble aussi qu’elle parle dans son sommeil. Je ne comprends pas ce qu’elle dit, mais je crois que ce sont des mots quand même ! Elle est comme une chatte, elle ronronne, on dirait que c’est cela, oui, comme une chatte ! Et moi avec mon bout tout dur qui n’ose plus bouger, qu’est-ce qui me prend de rester là à attendre encore autre chose. Je vais l’entendre, c’est sur si elle se réveille.

 — Dany ! Bougre de saligaud, qu’est-ce que tu fais là. Fiche-moi le camp dans ta chambre, non ! Mais ce n’est pas vrai, un pervers, j’ai fait un pervers ! Que Dieu me préserve de la honte !

Et c’est Alphonse qui va me coller la dérouillée de ma vie, comme la fois où j’avais chipé une barre de chocolat ! Je n’ai jamais recommencé. Mais là ! Qu’est-ce que j’y peux moi ? Ma zézétte est toute bizarre, ça me fout la trouille. Oh ! Elle a déjà bien enflé comme ça, mais jamais si longtemps et toujours le matin au réveil… mais jamais sous la main de maman ! Je ne fais plus un seul geste, de peur de la réveiller. Mais aussi pourquoi a-t-elle fourré sa patte sur mon petit bout ? Elle continue de sourire. Et puis c’est quoi ce truc qui pointe là, sur son nichon ? C’est long comme mon petit doigt, tout brun, elle n’a pas ça d’habitude ! On dirait que son sein a une excroissance qui vient de lui pousser ! Je ne te raconte pas le « traczir », la pétoche, que je me trimballe !

Je tente de me reculer, doucement je rampe sur le dos pour dégager mon ventre. Il fait toujours aussi gris et j’entends la pluie qui tape de nouveau contre les volets fermés. J’ai fait quoi ? Cinq centimètres ! Que c’est elle qui bouge et s’avance contre moi. Maintenant, j’ai son nichon contre mon menton ! Elle sait que je suis là, il ne peut pas en être autrement, elle sait et je vais avoir chaud la couenne quand grand-père va revenir ! Merde ! Elle fait quoi avec sa main ? Ses doigts se sont refermés sur mon manche encore tout tendu ! D’une pression de ceux-ci, ils font le tour de mon engin. Ma queue est encerclée par les doigts, effet bizarre pour mon zob qui pour le moment n’a connu que les miens et encore pour pisser seulement ! Je dois la réveiller, mais comment faire, dans son rêve, elle doit se raccrocher à quelque chose de beau si j’en juge par son sourire !

Elle est si proche de moi que je sens sa respiration, son souffle qui me touche le front à chaque fois qu’elle expire. Et son sein dont le bout est là devant ma bouche. Mon Dieu que dois-je faire, c’est pire que l’orage, mais moins désagréable ! Quitte à prendre une trempe autant que j’y goute finalement ! Je saurai au moins pourquoi je suis puni ! J’ouvre doucement la bouche et la pointe sombre vient, comme si c’était naturel, se nicher entre mes lèvres. Là encore, je n’ose plus bouger et je recule. Et la main sur le bas de mon ventre, qui se crispe et se relâche, elle provoque de drôles de vertiges dans ma caboche. L’envie de sucer le nichon, l’envie que la main ne me laisse plus, enfin pas tout de suite. J’ai juste le temps d’avoir l’idée de passer le bout de ma langue sur le truc dur au sommet du nibard ! La main s’en va et maman se retourne !

 — Oh Fernand ! Tu as allumé le feu, il te faut l’éteindre !

Fernand ? Je n’en connais qu’un ! C’est le fils du boulanger de notre rue. Mais pourquoi l’appelle-t-elle ? J’ai compris ce qu’elle vient de dire ! Elle est donc réveillée ? Je vais passer un sale quart d’heure ! J’en ai des sueurs froides. Mais elle s’est retournée et elle se colle à moi. Elle est toute recroquevillée et j’ai ses fesses qui sont contre ma bite ! Oh non ! Elle remue son croupion et moi je ne peux même plus reculer. Je suis contre le mur, coincé entre elle et lui.

Un peu d’histoire

Alphonse travaille chez « Depruyne », et quand je ne suis pas en cours depuis la fenêtre de ma chambre, je le vois dans son bureau. Il est contremaître à l’usine. Il est fier de sa réussite Alphonse. Encore deux ans et il sera en retraite. Moi ! Je regarde les ateliers aussi, avec les hommes qui passent leur temps sur des machines avec des brosses. Ils polissent à tour de bras des boites de métal, les mêmes qui amènent la soupe dans les hôpitaux. Puis il y a les femmes, les filles, celles qui fignolent les boites ! J’en vois une ! Surtout ! La Gisèle du « Dandirand ». C’est là où on va chercher le muguet au mois de mai ! 

Tiens ! La cloche de l’atelier ! Dans cinq minutes, on va passer à table. Pourquoi mes souvenirs sont-ils aussi nets ? J’ai saisi le geste de la main de grand-père. Ça veut dire, je t’ai vu, lave-toi les mains et on va manger ! Ça veut tout dire ce simple petit signe. Il est content. Surtout les jours de paie, dit grand-mère. Mais à la maison entre le travail d’Alphonse et la vente des nappes des femmes, on a de quoi vivre ! Il gueule bien un peu grand-père, parfois, après ses copains qui lui ont tourné le dos depuis qu’il est passé cadre, mais lui, il s’en moque. Il a toujours un mot gentil et je porte toujours les beignets, ceux du temps des cerises, aussi bien à la Maria qu’au Paul. Et parfois, je monte à l’atelier avec mon petit panier. Avec grand-père, on fait le tour de tous les postes. Un beignet ici, un par-là et moi j’ai droit aussi à des clins d’œil des hommes et une tape sur l’épaule des filles. Tout cela, accompagné d’un :

Brave gosse, tu tiens de ton grand-père toi ! C’est son portrait tout craché, à notre Alphonse ce gamin !

La vallée commence à s’ouvrir sur le monde, et des cohortes de gens viennent sur les traces de Napoléon. Les thermes commencent à être connus et les gens achètent de partout les maisons que les ouvriers ne pourront jamais se payer. Grand-père sent le vent et nous avons droit aussi à une grande maison qu’il paie maintenant par traites mensuelles, à tempérament comme il le souligne souvent. Il dit qu’il vit à crédit et ses cheveux virent au blanc. J’ai bien essayé de lui parler quelques fois de mon père, enfin d’en savoir quelques petites choses. Mais rien à faire, ça le met en pétard quand j’aborde le sujet. Ma mère aussi du reste. Quant à grand-mère, elle fait toujours celle qui n’entend pas dès qu’une question la dérange ! Puis on dit que « l’usine Depruyne » va couler, fermer. J’ai du mal à imaginer qu’une autre boite, bien plus industrialisée, va racheter l’usine.

Pour moi, c’est encore l’heure de la sixième, des premiers cours d’anglais ! J’aurais voulu faire Allemand en première langue. « Chez nous », c’est plus près de l’Allemagne que des Anglais. Mais tous les trois, ils ont bloqué sur cette idée. Pas question d’apprendre la langue d’un peuple qui nous envahit régulièrement ! Personne ne parlera le « Boche » à la maison a dit Alphonse et il a le mot de la fin. Les dimanches après-midi, on part toujours avec le même bus, mais moi, désormais, je suis dans l’équipe, gardien de but. De temps en temps, je croise la fille de Gisèle. Bon sang qu’elle est belle !

Images fugaces

Dans ce grand lit, dans son rêve, je suis bien mal parti. Comment me sortir de ce mauvais pas ! Elle continue de parler, mais c’est bien plus audible et le Fernand revient souvent dans ses paroles ! Pourquoi celui-là, enfin ce prénom-là ? Elle se trémousse du derrière contre ma gaule que je voudrais oublier !

 — Eh ! Bien mon nigaud ! Tu ne veux donc plus de moi ? Pourtant tu as l’air d’avoir les outils bien affûtés, aurais-tu peur d’user ta lame ? Allons ne reste pas dans le pétrin, il te faut mettre la main à la pâte !

Maman parle dans sa fin de nuit, elle continue aussi de se frotter contre moi. Pourquoi me dit-elle ces choses qui ne veulent rien dire ? Maintenant, je suis pressé contre le mur alors que les fesses nues de ma mère épousent tout mon bas-ventre. Ma bite reste raide, tendue et elle va finir par me la casser si elle persiste à m’écraser de la sorte ! Pourquoi dort-elle à poils aussi ? L’orage, il fait trop chaud, elle a la fièvre, c’est sûrement ça l’explication. Elle a lancé sa main en arrière et elle me touche aussi la poitrine. Ses petits cris me font peur. Elle gémit comme quand on est malade. Est-ce que je dois la réveiller ? Je cherche comment faire pour sortir de ce lit sans être écrabouillé !

 — Maman ! Maman ! Tu rêves ! Réveille-toi !

 — Hein ? Ah mon Dany ! C’est toi ? Mais qu’est-ce que tu fais dans mon lit ? Tu as eu peur de l’orage ? Pourquoi n’es-tu pas à la pêche avec Alphonse ?

 — Ouf ! Tu es réveillée ! Tu es malade maman ? Tu m’as fait peur, j’ai cru que tu allais m’écraser contre le mur ! Et qu’est-ce que tu peux parler dans tes rêves ! Tu as fait un cauchemar ?

 — Ah bon ! J’ai dit quelque chose ? Tu m’as entendu parler ? Non c’était plutôt un beau rêve. Alors qu’est-ce que j’ai baragouiné ?

 — Je n’en sais rien, je n’ai pas tout compris.

Elle est contre moi de nouveau, mais ces gestes-là sont tendres, affectueux, ceux de maman quoi ! Elle rejette les draps du lit qui nous découvrent pour nous lever et ses regards se tournent vers mon corps aussi nu que le sien. Pendant qu’elle attrape sa robe de chambre, elle me parle.

 — Mais c’est que tu deviens un homme, mon Dany ! Ça a bien poussé ça. Et peut-être qu’il vaudrait mieux que tu ne viennes plus dans mon lit comme ça à l’improviste !

 — Oui, mais je n’aime pas l’orage ! Et qui c’est Fernand ?

 — Fernand ? Je ne sais pas ! Pourquoi tu parles de Fernand ?

 — C’est comme ça que tu m’as appelé dans ton « rêve ».

 — Allez, file gros nigaud, dans les rêves on dit n’importe quoi, file chercher le lait, grand-mère va se lever !

Je l’ai vu laisser traîner ses yeux sur mon zizi encore gonflé. Elle croit que je suis malade aussi ? J’ai pris le pot de camp et je trace la route. Je remonte aux « Arpents », à la ferme des Daudier ! Le lait de mamie, c’est sacré le dimanche. Sur le chemin, l’envie de pipi qui me prend me rassure sur l’état de ma maladie. Ma zigounette a repris une forme normale. Je n’ai pas été puni, c’est déjà un coup de pot ! Je ne vais pas encore me poser de questions sur le pourquoi du machin. Je vais chercher le lait et on verra bien.

Alphonse est rentré de la pêche. Il y aura des truites pour midi. Je ne suis pas un fou de la pêche, il a bien essayé, mais ce n’est pas mon truc. Je m’emmêle toujours et je finis par casser la ligne et comme je n’arrive pas à les réparer et bien grand-père en a eu marre. Le café est prêt, il manque juste le pot de camp. Une bonne tartine de « confiote » à la mure, et je dois me laver pour enfiler les habits du dimanche. La messe ici, c’est sacré, j’aime bien ce pèlerinage vers l’église, au centre du village.

Un peu d’histoire

 La messe au village, c’est tout un folklore. Ils descendent, viennent de partout et je les regarde toujours amusés. Leurs grandes mains se tendent vers Alphonse qui les salue tous en commençant par les femmes. Il les aime les dames grand-père ! Et puis c’est après la messe que c’est bien aussi ! Il me prend par la main pendant que Mamie et maman rentrent pour cuisiner, il m’emmène vers le lieu le plus magique du village. On va au « bistrot », au bar des sports ! Parfois à celui de Semouse aussi, il dit que c’est là qu’il s’est marié et quand il a un petit coup dans le nez, Alphonse c’est drôle, il me dit en rigolant :

 — Tu me ramèneras à la maison !

 — Compte sur moi Papy !

Quand il n’y a pas de match, nous allons nous balader tous les quatre, toujours à pied. J’aime les « jardins suspendus » et la « fontaine ferrugineuse », surtout parce que c’est là que pour Napoléon III, la cuisinière de l’Hôtel a un jour fabriqué une glace sublime. J’adore les petits morceaux de fruits confits que l’on y trouve et puis je déchiffre chaque fois les inscriptions qui ornent la fontaine. Il parait même qu’un grand peintre ou un écrivain, George Sand, est venu se reposer ici sur la margelle où je m’assois quand on y va.

Je ne travaille pas trop mal à l’école. Mais quand j’ai une mauvaise note, Alphonse se met en colère et me dit que quand on porte son nom, on doit bosser ou alors on va finir à la « boite à fromage ». J’ai mis longtemps à comprendre que c’est l’usine où se fabriquent les boites en bois pour les fromages. Elle est en remontant, là-haut, sur la route de Remiremont. Il m’a fixé le BAC comme objectif. Pour celui-là, je devrai prendre un autre bus, celui de la gare qui m’emmènera au lycée tous les jours.

Depuis un mois ou deux, j’entends parler de voiture, d’achat surtout. Je n’en reviens pas. En revenant de l’école, il y a plein de gens devant notre cité. Il regarde tous, un truc qui m’arrache presque les yeux ! Quatre roues, grise comme un soir d’orage et belle comme mes rêves ! Elle a de gros yeux globuleux, un coffre qui ressort, pareil à un ventre et elle a des numéros 2** DS 88. Elle a tout d’une vraie déesse notre « Deux chevaux ». Enfin celle d’Alphonse. Quand j’arrive, il n’est pas peu fier !

 — Elle est arrivée ! Aujourd’hui ! Je ne voulais pas en parler avant qu’elle ne soit ici ! Alors comment tu la trouves ?

 — C’est à toi ? Vraiment à toi Grand-père ?

 — À nous mon gaillard ! Allez, montez ! Montez tous les trois, on va faire un tour !

Je suis à côté de maman, et Grand-père fièrement fait le tour du village, il remonte sur Ruaux, file ensuite vers Semouse ! Mamie, elle n’arrête pas de lui demander de ralentir. Elle se cramponne à chaque virage en gémissant un peu.

 — Mais va donc moins vite, tu veux faire lâcher mon cœur ?

Ce sont ces souvenirs-là qui remontent à la surface de ma mémoire. Là, devant cette église et l’étrange équipage que nous suivons depuis la maison, je tiens Grand-mère par le bras, maman marche en silence. D’autres gens, les amis, les cousines, cousins, les ouvriers, et même le patron de l’usine, tous suivent derrière nous. Il n’y a plus un mot et Alphonse ouvre la marche. Enfin c’est le cheval qui est en tête. Celui qui emporte Papy, vers le cimetière, là-haut sur la route d’Épinal.

Images fugaces

Les rides sur le front de maman, ses cheveux qui grisonnent, le dos vouté de Mamie sont de plus en plus visibles. Mes études vont bien. Après mon BAC, je suis parti. Nancy est une ville autrement plus importante que notre village. C’est la dernière année que je passe à la fac de droit.

 — Tu seras donc un notable ? Je vais devoir t’appeler « Monsieur » ?

Il me le répète à chacun de mes retours Alphonse ! Lui aussi me semble fatigué. Il en a fait du chemin depuis sa « deux-pattes ». Personne ne repasse par sa jeunesse et je reviens le plus souvent possible. Je veux encore et encore être avec eux trois. J’ai revu la fille de Gisèle un soir dans le train qui me ramenait vers Remiremont, puis lorsqu’elle s’est assise à mes côtés dans le bus entre la gare et « chez nous ». Elle n’arrêtait pas de parler, c’est tant mieux, j’adore le son de sa voix.

 — Tu donneras le bonjour à ta mère ! Et aussi à tes grands-parents, ils vont bien au moins ?

Je suis fasciné par ces petites lèvres qui remuent sans interruption. Je n’arrive pas à être moi-même, pris de je ne sais quelle impossibilité à traduire ce que je ressens face à cette fille. Ses cheveux sont d’une rousseur inouïe. Les petites taches de son qui couvrent ses joues lui vont à ravir. Pourquoi suis-je incapable de prononcer deux mots depuis qu’elle s’est assise près de moi ?

Le car nous a lâchés devant l’ancienne usine « Depruyne ». C’est à la commune tous ces bâtiments vides désormais. Elle saute du bus, virevolte un instant, comme joyeuse de se retrouver là. Le soleil est d’un éclat particulier en ce début de printemps. Sa robe plissée flotte un instant dans l’éclatante beauté du jour. Elle jette un œil à droite et à gauche, traverse comme une flèche la chaussée et de loin, j’aperçois sa mère. Comme elles se ressemblent !

Avant de s’engouffrer dans la voiture qui les attend, je vois Mathilde qui se retourne et fait un petit signe de la main. Mon cœur va se décrocher de ma poitrine. Elle y a pensé ! Je secoue la main aussi et je les vois disparaître sur la rue, en direction du centre du village. Alphonse est à la fenêtre et je suis sûr qu’il a surpris nos gestes, pourtant bien innocents.

Un peu d’histoire

Le cimetière ! Perché en haut de la colline, il surplombe entièrement le cœur du hameau. La terre fraîchement creusée, le trou béant dans lequel les quatre porteurs ont déposé ton cercueil grand-père, je maudis déjà cette journée. Hier ou ce matin, je pouvais encore te toucher, te parler, bien que tu ne répondes plus. Mais là, maintenant cette terre que tu as tant aimée, elle va t’avaler, t’enfermer pour le reste du temps.

En levant les yeux, je vois la crinière de feu de Mathilde ! Elle est là elle aussi et dans ses yeux qui croisent les miens, toute la peine du monde semble se refléter. Les gens passent, un par un et ils embrassent maman et Mamie. Cela dure un temps incroyablement long. Ils disent des mots que je n’entends plus. Je suis avec toi Alphonse ! Tu me guides encore sur ces sentiers qui m’ont vu grandir. C’est Mathilde qui d’un revers de mouchoir remonte sa main vers le coin de mes yeux.

 — Ne pleure pas ! Il a eu une belle vie ! Vous l’avez tous rendu heureux ! Il voudrait que tu souries maintenant !

La main de grand-mère est dans la mienne et elle se met sur la pointe des pieds.

 — C’est vrai, elle a raison cette petite ! Il ne voudrait pas voir tes larmes couler ! Allez mon grand, les choses doivent être ainsi !

Je ne trouve pas de mot, juste ce grand vide en moi. Je regarde Mathilde et ce regard que nous échangeons, il a quelque chose de nouveau. Puis je laisse filer mes yeux sur ce qui, tout en bas, reste vivant. Les rues sont chargées de ces voitures qui loin de rapprocher les personnes, les éloignent sans doute un peu davantage chaque jour. Le progrès ! Disent-ils tous !

L’Augronne et ses poissons noirs aux robes mouchetées, elle coule, paisible, loin au fond du village, charriant toujours ses courants pas vraiment calmes. Je t’imagine, grand-père chatouillant de ta gaule chacun des remous des trous creusés dans le granit, heureux de savourer la quiétude d’un jour… ordinaire. Mais le chagrin est difficile à vaincre et ces images n’apportent guère de réconfort.

  Images fugaces

Combien sommes-nous ? Trois ou quatre tout au plus, à remonter vers le centre commercial Saint Sébastien ! Nous avons déjà passablement arrosé notre diplôme. Je ne sais plus lequel a décidé d’aller voir les « filles ». Quelle expression idiote, pour dire « putes » ! J’ai appelé maman à la maison, je vous imagine bien, vous trois attendant les résultats de mes examens. Elle est restée sans voix quand je lui ai dit que c’était bon. Alphonse a voulu me parler, malgré son incommensurable dédain pour le téléphone.

 — Je le savais ! Je l’ai toujours su ! Nous sommes tous fiers de toi ! Tu te rends compte ! Un diplôme de droit ! Quand reviens-tu, que nous arrosions cela !

 — Demain grand-père, demain ! Veilles bien sur nos deux femmes, je vous embrasse tous ! Mes amis veulent faire la fête ce soir !

 — Vous avez raison les enfants ! Faites la bringue ! Vous l’avez bien mérité !

 — Merci, Papy, mais c’est aussi beaucoup grâce à toi si j’en suis arrivé là !

Au bout du fil, il n’y a plus de voix, juste un souffle, je pourrais presque croire que j’entends comme un reniflement ! Mais les grands-pères, ça ne pleure pas ! Non ? Nous sommes dans la galerie et je suis les plus braillards d’entre nous. Ils semblent savoir où aller chercher ce qu’ils convoitent. Encore un bar à visiter, et assis à la terrasse, elle passe cette tignasse rousse. La tête qui se tourne vers la place que j’occupe et je vois fleurir l’incrédulité sur ce visage connu.

Devant moi, Mathilde, avec ses taches de rousseur, Mathilde avec un sourire, Mathilde qui quitte les trois filles qui l’accompagnent.

 — Qu’est-ce que tu fais là ?

 — Eh bien ! Si je m’attendais à te trouver ici !

 — Vous avez l’air bien gais, toi et tes amis !

 — C’est la fin de nos études, alors tu vois, on s’amuse un peu !

 — Je vois cela ! Je rentrais chez moi ! Tu veux que nous dînions ensemble ? À moins que tu ne sois trop occupé ?

 — Ben ! C’est-à-dire que nous avions prévu quelque chose ! Mais bon rien de vraiment important !

Puis me tournant vers les joyeux lurons qui nous lancent quelques quolibets :

 — Bon, les gars je vais vous laisser ici ! On se revoit plus tard ? Je rentre au bahut pas trop tard et sans faire trop de bruit ! Soyez sages vous autres !

 — Ouh ! Ouh, le lâcheur ! Tu ne veux pas que nous venions avec vous ? Ouh !

 — Allez salut à vous et à plus tard !

Mathilde a pris aussi congé de ses amies et nous sommes désormais seuls dans le cœur de ce Nancy qui vit, bouge.

 — Tu aimes quel genre de cuisine, Dany ?

 — Toutes, mais je te laisse choisir !

 — Chinois ça te va ?

 — Parfait ! Avec toi, Mathilde, ce sera de toute façon, partout parfait !

 — Alors, viens ! Je connais un bon endroit !

Elle et moi avons fait quelques rues, toutes vivantes, toutes remplies de monde. Les néons du restaurant chinois nous accueillent de leurs lumières colorées. Le repas, buffet à volonté nous voit, revenir plusieurs fois et c’est un moment de calme qui nous réunit.

 — Comment ça va là-bas ? Ta mère et tes grands-parents ?

 — Bien ! Je crois qu’ils sont contents ! Alphonse et grand-mère vieillissent, tu sais. Mais et toi ? Ta mère ?

 — Alphonse doit être fier de son petit-fils !

 — Je crois qu’à l’annonce de ma réussite, il a eu une petite larme ! Il ne l’avouera jamais, mais c’est un grand sensible ! Il est mon père quelque part finalement !

 — Oui ! Maman aussi est contente de moi ! Encore une année d’étude pour moi et je serai aussi diplômée ! Tu imagines cela ! Sage-femme ! Mettre des bébés au monde ! J’en ai si longtemps rêvé ! Enfin ! Encore une année quand même à faire ! Mais je suis sûre que maman attend que je sois reçue aussi à l’examen de l’année prochaine !

 — Et après tu comptes t’installer où ?

 — Remiremont sans doute, mais si nous parlions juste de toi !

 — Oh ! Moi, Remiremont aussi, j’ai déjà des contacts avec un cabinet d’avocat !

 — Tu veux que nous allions prendre le café dans mon appartement ? Mon amie Justine, ma « coloc » est rentrée chez sa mère et je suis seule tout le week-end ! Tu veux venir avec moi ?

 — Tu n’as pas peur de faire entrer le loup dans ta bergerie ?

Mathilde a juste souri à ma boutade ! Elle lève les yeux au ciel dans un signe qui semble vouloir me dire « tu es fou ». Il est immense son appartement, comparé à la minuscule chambre que j’occupe à la fac. Une chambre pour chacune des deux filles, une grande cuisine, un salon-salle à manger. Et bien entendu, c’est rangé de manière impeccable. Je suis chez des filles quoi, et ça se voit. Ensuite l’équipement est des plus sophistiqués ! Le café est un vrai régal, mais même mauvais, il me paraîtrait meilleur que le mien, puisque pris en compagnie de cette fille qui me fait un effet étrange.

Elle rit de tout, de rien, contractée sans doute par ma présence, et je ne suis pas moins timide qu’elle, il faut bien l’avouer. Assis tous les deux sur le divan, chacun de nous évite presque le regard de l’autre.

 — Eh bien ! Tu n’es plus guère bavard depuis que nous sommes ici !

 — Hum ! J’ai un peu peur d’être idiot et je ne sais pas comment te le dire !

 — Me dire quoi ? Accouche ! Tu es chez une future sage-femme ! (Rire)

 — Ce que je ressens pour toi ! Depuis la première fois dans ce train, tu te souviens ?

 — Oui ! Le train, le bus, j’ai beaucoup pensé à cela aussi de mon côté. Alors tu ressens quoi ?

 — Je sais que j’ai un petit quelque chose pour toi. Des mois durant, j’ai espéré ces retrouvailles et je n’ai jamais osé ! Dire que c’est la veille de mon départ, de mon retour sur Plombières, sur notre « chez nous », que je suis de nouveau près de toi !

Mathilde ne dit rien, elle repose la tasse que sa main tient. Elle se penche doucement vers moi et sans un mot, sa bouche vient à la rencontre de la mienne. C’est comme un coup de fouet, comme si toute l’électricité de la maison venait de s’abattre sur moi. J’adore d’instinct ce baiser si tendrement donné. Soudées les unes aux autres, nos lèvres s’entrouvrent, laissant nos langues s’emmêler à leur guise dans un baiser de braise. Puis les choses s’accélèrent sans que nous n’y prenions garde.

Un peu d’histoire

La vie a repris son cours et mes deux femmes sont seules désormais. J’ai intégré un cabinet d’avocat Romarimontain et je ne rentre que le soir à la maison. Maman et grand-mère, elles, travaillent maintenant pour une association nouvellement installée à Plombières. Elles fabriquent bénévolement des objets en laine, en cuir ou tout autre matériau pour le « marché de noël ». C’est juste quelques week-ends en fin d’année, mais ce marché leur prend tout leur temps libre. Elles me parlent de papy et les jours sont tous semblables. Les soirées surtout !

J’ai encore fait quelques tentatives auprès de l’une ou de l’autre pour avoir des renseignements sur mon père. Peine perdue, aucune ne voulant me dire ce que j’attends. La première année qui s’achève nous ramène au village la fille de Gisèle ! Elle est sage-femme et mes femmes en parlent en bien. C’est une bonne chose surtout pour moi.

 — Il parait que c’est un joli brin de fille ! Dany ! Quand donc nous en ramèneras-tu une à la maison… de femme ?

C’est le refrain que j’entends de plus en plus souvent, les soirs où je suis là. Je n’ai encore rien dit à personne, et Mathilde et moi continuons à nous voir, chaque midi, à l’heure du déjeuner, enfin chaque fois que nous le pouvons. Ses cheveux roux et son sourire m’ont définitivement conquis ! Nous n’avons cependant décidé de rien ! Les orientations de nos vies sont toujours mal définies sauf bien sûr dans le domaine professionnel. Et ce soir, c’est la veille de la Toussaint. Les femmes ont une petite larme en parlant de la messe de demain.

Les roses qu’elles ont posées sur ta tombe grand-père, ces fleurs sont comme des larmes qui déteignent sur mon cœur ! Je ne pleure pas, je saigne à l’intérieur ! Maman est contre mon épaule et Mamie se tient droite comme un I majuscule ! Le vent est pareil à un couperet qui attaque les visages. La chevelure flamboyante de Mathilde et celle plus grisonnante de Gisèle, sont au bout de l’allée. Les fleurs qui vont mourir, au gel des nuits de décembre, recouvrent le marbre rose de Joseph, papa de l’une, mari de l’autre. Chrysanthèmes, je ne vous aime pas !

Je n’ai pas de prière, juste quelques pensées pour toi, Alphonse, pour ce que tu es resté, pour cette belle vie que tu m’as donnée. Et je vois dans la rosée qui perle entre mes cils, la silhouette de celle que j’aime plus que tout au monde, qui vient vers nous. Gisèle bien sûr s’arrête, un instant, soupire en posant une main fine comme un parchemin sur la pierre froide qui recouvre Papy.

 — Nos plus belles années sont là, n’est-ce pas ?

Ensuite elle étreint Grand-mère sans un autre mot, puis elle embrasse maman. Moi je n’ai d’yeux que pour toi. Ton visage aux mille taches de son, qui me sourit, ton visage, c’est ma promesse d’avenir, c’est mon bonheur et je t’embrasse, correct en pensant :

 — Toutes les femmes de ma vie sont enfin réunies.

Images fugaces

Le baiser allume un grand feu au fond de moi ! J’ose enfin, sentir ce parfum subtil qui remonte de son cou de jeune femme. Elle est belle, elle palpite contre moi ! Je lui caresse la nuque, les oreilles, les cheveux ! Je voudrais que la soirée ne s’arrête plus jamais. Elle est si belle, la Mathilde qui est devant moi. Tellement femme que j’en oublie que je suis bien élevé. Je n’ai plus de réserve et je sens, quelque part, comme bien des années plus tôt, dans le lit de maman, cette chose brutale qui s’éveille en moi. Mais toi jeune fille, tu n’es pas ma mère et c’est permis d’avoir envie de toi, de bander pour toi. Comment tes seins si doux se sont-ils retrouvés ainsi dénudés ? Quelle importance puisque nous savons tous les deux ce que nous voulons !

J’aime ce corps que je serre contre moi et cette nuit n’est qu’à nous deux. Rien ne peut freiner, réprimer ces élans de tendresse. Dix fois, plus peut-être nous revenons l’un contre l’autre dans des positions absurdes, dans des envies qui nous rapprochent. Puis enfin cette délivrance, cette toute première fois où nous ne sommes plus qu’un seul et même corps, qu’une seule âme. Je t’écoute crier et je murmure à ton oreille ce bonheur qui nous appartient. Les gestes innés, les mouvements de cet amour qui nous unit, nous les apprenons ensemble, dans une nuit torride, dans un lit qui n’en finit plus de grincer.

Je t’aime Mathilde et je veux te le dire, le redire. Que chaque jour qui passe entende mon cri d’amour pour toi ! Je t’aime Mathilde, que ces mots s’inscrivent en lettre d’or dans le livre d’un ciel où tu brilleras chaque nuit. Et alors que l’aube fait renaître la lumière d’un nouveau jour, nos mots d’amour sont suivis par les gestes immuables de nos corps dévorés d’envie. Ma faim de toi n’a d’égale que ton désir de me sentir en toi. Nos mains se retrouvent, dans des arabesques de moins en moins innocentes et je sais que c’est du solide, du lourd.

 — Mathilde ! Si tu veux de moi, je t’attendrai ! Je saurai te dire encore « je t’aime ». Quand tu auras fini tes études, disons à la Toussaint de l’année prochaine, je te referai mon serment d’amour, devant Alphonse, là-haut au cimetière ! Si tu es là et que tu viens vers moi, alors je saurai que toi aussi tu m’aimes.

 — Oui ! Je viendrai, avec maman, et nous leur dirons à tous ! Nous leur dirons que nous nous aimons ! Attends-moi !

Le final

Les bancs sont remplis. Le village semble être là au grand complet. Les quatre marches de l’église sont occupées et nous sommes entourés par tous ceux qui nous aiment. Je suis le premier à pénétrer entre les murs sombres de granit, le premier à avancer au bras de maman. Tous sont debout et me regardent monter vers l’autel, lentement. Ils suivent pour s’installer dans ces bancs. C’est toi qui viens la dernière. J’en ai le souffle coupé et les larmes aux yeux de te voir ainsi vêtue tout de blanc. Les appareils photo te mitraillent de partout. Puis la musique d’un vieil harmonium nous cueille à froid pour cette journée que j’attends depuis si longtemps.

Ton sourire et les mots qui sont irréversibles, deux petits « oui » pour un long chemin. En passant à ton doigt l’anneau qui consacre cette union, j’ai la sensation qu’une étrange chaleur émane de la poche intérieure de ma veste. Ta photo, ton image grand-père, tout contre mon cœur. J’ai un sourire à cette pensée, un sourire et une pensée pour toi Alphonse, pour toi grand-père, je sais bien que tu es là.

    Mathilde, je t’aime et c’est notre saison, la saison des enfants…

 

 

 

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