Le peintre II

Dans ce second volet on voit Anna hésiter entre homme et femme se cherchant vraiment

   Les journées de fac ont repris et Anna, assidue suit avec aisance les cours qui doivent, en principe lui assurer une vie meilleure. Les pages folles d’Alberto Moravia sont finies depuis quelques jours et elle se dit que la FNAC est un bon endroit pour y trouver un autre dérivatif à ses soirées solitaires. La lecture c’est sa plus grande, sa meilleure amie.

 — Bonjour ! Vous cherchez quelque chose, Mademoiselle ?

   La femme qui vient de demander cela d’une voix suave est âgée d’une quarantaine d’années. Ses cheveux ressemblent un peu à ceux d’Anna, au moins dans la couleur et la longueur. Elle arbore un sourire plaisant. Une jupe sombre qui lui arrive au genou, surmontée d’un chemisier au satin brillant, un ensemble sage pour une vendeuse un brin sexy tout de même.

 — Avez-vous le roman : « l’Automate » d’Alberto Moravia s’il vous plait ?

 — Moravia ! Moravia ? Attendez que je réfléchisse une seconde ! Les Italiens, ça devrait se trouver… par là ! Tout ce que nous avons sur Moravia est ici, voilà Mademoiselle. Ah ! Rien là !    Vous attendez une seconde ? Je vais voir si en stock, nous avons ce que vous cherchez ! Je vais consulter l’ordinateur.

  — Faite donc ! je vous en prie. Je jette un coup d’œil sur ce que vous avez en rayon pendant que vous cherchez !

 — Oui ! Oui, bien sûr, ce ne sera pas long !

   Anna reste toujours émerveillée par ces alignements presque sans fin, de romans de toute sorte. Les livres c’est une passion, les bons bien sûr. Les Pincherle qu’elle a déjà lus sont tous ici. Dans divers formats et même en livre de poche, là « le mépris », ici « Agostino » plus loin « Nouvelles Romaines ». Puis la femme qui revient vers elle, avec son large sourire.

 — Il nous en reste juste un exemplaire, mais en format classique, pas en poche.

 — Ça m’ira parfaitement ! Je le prends.

 — Vous aimez cet auteur, Mademoiselle ?

 — Plus que cela, je l’adore ! J’admire son esprit et sa manière de raconter, on dirait presque qu’il conte plus qu’il n’écrit.

 — Ah ! C’est beau la jeunesse, et j’aime votre fougue, votre flamme. C’est bien de se passionner pour des livres, chose qui se perd un peu à notre époque. Je vous fais un paquet cadeau ?

 — Non, mettez-le simplement dans un sachet, je vais l’attaquer demain ! C’est mercredi et j’ai un rendez-vous qui justifie de la lecture, alors !

 — Bien, ça vous fait… vous avez notre carte de fidélité ?

 — Oui, pardon j’oublie toujours, je suis étudiante, tenez !

 — Merci ! Donc avec la réduction, douze euros cinquante !

  

 Anna, toute guillerette pose l’argent sur le comptoir et elle se dirige vers la sortie !

 

 — Mademoiselle ! Eh Mademoiselle !

 — Oui ?

 — Vous n’oubliez rien ?

 — Oh Zut ! Mon livre, si je le laisse là, alors ! Quelle gourde je fais ! Merci, vous m’évitez de revenir, parce que je serais revenue le chercher.

 — Bonne lecture à vous !

 — Merci.

 

   Encore une rue, peuplée de gens qui ne se préoccupent que d’eux. Ils déambulent, comme s’ils étaient seuls au monde et la jeune femme se plonge dans ses pensées. Demain, elle retourne chez Victor ! Luis aussi doit venir. Le blond lui rappelle la dernière séance de pose. Depuis qu’ils se sont quittés devant chez Victor, il lui semble que l’envie qu’elle a de… sentir à nouveau cette douceur dans sa main est nichée là, au plus profond d’elle. Ce n’est pas qu’elle soit particulièrement attirée par le sexe, mais… elle en a eu envie, ce jour-là.

   Ses pensées la ramènent sur ce divan et elle a l’impression que la paume de sa main brûle de sentir encore la douceur palpitante de la queue qui se laissait faire. La tête baissée, elle avance sur le trottoir, étrangère à tout ce qui l’entoure. Puis comme mue par un élan, elle se dit qu’elle a faim et le restaurant rapide qui n’est pas loin, lui semble tout indiqué pour qu’elle assouvisse cette fringale. La porte poussée, elle entre dans un lieu grouillant de vie, peuplé par des jeunes, presque tous de son âge. Sa commande prise par une jeune fille en casquette à visière, elle reçoit de celle-ci un plateau et cherche des yeux une place.

   Les tables sont presque toutes prises d’assaut par des hordes de gamins turbulents, mais enfin en voici une qui se libère. Et au moment où elle va pour prendre place, une femme pose son plateau elle aussi, sur la table convoitée. Excédée, Anna commence à tourner les talons.

 — Hey ! Vous ne voulez pas déjeuner en ma compagnie ? Je suis si affreuse que cela ?

   Cette voix, oblige la jeune femme à se retourner et à affronter celle qui vient avec un brin d’humour de lui parler. Face à elle, la vendeuse de la FNAC.

 

— Je vous ai reconnue de suite, je n’ai pas tellement d’étudiante qui me réclame du Moravia, vous savez ! Allons, vous ne voulez pas vous installer près de moi ? Je ne mords pas vous verrez !

 — Si, si je veux bien ! Je vous demande de m’excuser, mais je ne vous avais pas reconnue. Je lorgnais plus sur la table que sur les gens susceptibles de la prendre.

 — J’ai fini ma journée, je ne travaille que les matins. Et vous qu’allez vous faire de beau cet après-midi ?

 — Je n’en sais trop rien ! Il fait beau et je n’ai pas vraiment envie de rester seule dans mon petit appartement.

 — Si vous voulez, je vous invite à venir prendre le café avec moi, j’habite à trois pas d’ici ! Une chance que pour une fois j’ai eu envie de déjeuner léger, encore que…

 

Visiblement pour la légèreté elle n’y croit guère en montrant du doigt le sandwich typique qui déborde de fromage fondu.

 

 — Moi, ça me convient bien ! Nous les jeunes n’avons pas trop de moyens et j’ai déjà écorné mon budget mensuel avec le bouquin. Et puis il ne faut pas abuser de ces casse-croutes là, mais une fois de temps à autre !

 — Alors c’est d’accord pour le café ? Je n’ai pas forcément envie de me retrouver seule non plus !

 — Si vous voulez, je n’ai personne qui m’attend dans le coin, de toute façon !

 

   Le déjeuner se déroule donc sous les meilleurs auspices, les deux femmes se posant de multiples questions sur leur vie respective. Anna apprend que Josiane, puisque c’est son prénom, vit seule depuis son divorce ! Que son mari lui a laissé de quoi vivre confortablement, mais que pour ne pas être désœuvrée totalement, elle a trouvé ce petit job dans ce magasin. Le plateau de l’une et de l’autre vide, elles repartent, comme deux amies vers l’appartement de Josiane. C’est vrai que celui est vraiment tout proche du lieu où elles viennent de se rencontrer.

 

   L’appartement est un grand trois-pièces avec balcon au premier étage d’un immeuble cossu. Anna jette des regards partout alors que sa nouvelle amie prépare les deux tasses. Le café, fait dans une machine à expresso, est un véritable régal. Josiane le sert avec des petits gâteaux secs.

 

 — Alors comme çà vous êtes étudiante ? Vous ne voudriez pas que l’on se tutoie. Ce serait moins conventionnel, non ?

 — Oui si vous… si tu veux. Ben oui je suis en troisième année de droit.

 — Et ce rendez-vous de demain ? Un garçon sans doute ! À ton âge ! C’est bien naturel !

 — Oh ! Non je sers juste de modèle à un vieux peintre et je lis pendant qu’il barbouille. Je dis « barbouille », mais c’est un réel artiste, ses toiles sont de toute beauté.

 — Ah il est du coin ?

 — Pas très loin, oui.

 — Ça te plaît donc de servir de modèle ? C’est quel genre ? Sa peinture !

 — Ben, disons que ce sont des portraits ! Mais bon, un peu…

 — Spéciaux tu veux dire ? Tu poses nue ? Non ?

 — Ben… oui, mais il est très correct. Et demain je dois y aller pour un tableau où nous sommes deux à poser.

 — Hé bien ! Deux filles pour ce Monsieur !

 — Non, il y a un garçon qui est peint avec moi !

 — Nu lui aussi ? Et ça ne te donne pas des idées çà ? Le garçon non plus n’a pas envie de…

 

   Josiane en prononçant ces mots a pris la main d’Anna dans la sienne. Elle lui triture les doigts, comme en proie à un tremblement incontrôlable. La jeune femme la laisse faire, perplexe, se demandant où la femme veut en venir. L’effet que lui procurent ses réponses est bien étrange.

 

 — Tu veux que l’on mette un peu de musique ? Cà fait si longtemps que je n’aie pas dansé. Tu veux bien faire un petit slow avec moi ?

 — Si vous… voulez… pardon, si tu veux !

 

   Anna la trouve de plus en plus fébrile et elle reste sur la défensive. Mais les pas de danse, la musique et la voilà qui se laisse entrainer pas sa cavalière. Elles tournent toutes les deux sur la moquette épaisse, dans les bras l’un de l’autre et Josiane pose son visage contre celui d’Anna. En suivant les accords mélancoliques de la musique, elles finissent par ne plus penser qu’à cette douceur qui les envahit.

 

 — Un siècle au moins que je n’avais pas été aussi heureuse ! Je n’ai plus dansé depuis mon divorce ! Et dire que j’adorais cela avant. En plus tu es une cavalière hors pair. Un vrai bonheur de jamboter en ta compagnie.

 — Merci, mais c’est toi qui guides, alors le mérite t’en revient.

 — Modeste avec ça ! Hum ! Si j’osais, je t’embrasserais.

 

   À ces mots, Anna a tourné la tête attendant un bisou sur la joue, alors qu’elles sont toutes les deux entrainées dans leur tourbillon lascif. Mais ce qui arrive est aussi inattendu que leur rencontre.

 

 — Non s’il te plait ! Regarde-moi ! Laisse-moi faire ! Cà ne te déplait pas d’être embrassée par une autre femme ?

 — Euh ! Je… ne sais pas, c’est la première fois !

 — Tu ne veux pas mourir idiote au moins ?

 — Non !

 — Alors, ferme les yeux !

 

   La bouche qui vient de se poser sur la sienne a le gout du gloss. Josiane se rapproche encore davantage de la jeune fille et elle l’enlace comme un homme le ferait. Sa langue vient doucement entrouvrir les lèvres d’Anna. Agréablement surprise, celle-ci se laisse emporter par ce baiser passion, ce baiser au féminin. Le souffle un peu court, le cœur battant, elle apprécie finalement l’échange qui mêle salive et caresses des langues, en un subtil mélange. Elle ne fait plus trop la différence entre celui-là de baiser et ceux des garçons, dans les rares occasions qu’elle a eues d’être embrassée.

 

   Les mains de Josiane qui tenaient Anna, comme n’importe quel cavalier le ferait dans une telle danse, quittent les épaules pour l’une et descend bien plus bas sur les fesses de la jeune fille, pour l’autre. Anna frissonne de se sentir ainsi caressée par un autre double d’elle. La femme qui maintenant la tient sait exactement ce qu’il faut faire pour lui donner envie. La petite main sur l’épaule est passée devant et elle agrippe sur le tissu, la rondeur splendide d’un sein couvert. Celle qui traine sur les fesses, sans en avoir l’air, fait remonter la jupe de la jeune fille.

 

   Elle sent bien que maintenant les doigts sont sur la chair, mais elle a bien du mal à se décider. Dire non et Josiane arrêterait vraisemblablement ses attouchements, mais ce serait aussi se priver de ce besoin qui commence à poindre, tout en bas, au creux de ses reins. De ces chatouillis délicieux qui lui font comme de l’électricité dans tout le corps. Elle ne résiste dans son crâne que parce que l’autre là, est une femme. Puis vaincue par les picotements si puissants qui déferlent en elle, maintenant, elle se laisse griser par cette bouche qui ne l’a pas quitté.

 

   La menotte de Josiane, chaude, douce, frôle une fesse non moins délicate. L’autre se perd dans le boutonnage savant d’un chemisier au toucher précieux. Un à un, les verrous qui ferment le buste aux regards indiscrets cèdent sous l’insistance des doigts agiles d’une Josiane audacieuse. Ce n’est qu’une question de secondes pour qu’apparaisse un soutien-gorge aux couleurs sombres. Alors que plus bas, bien plus bas, la résistance d’une petite culotte assortie à ces balconnets vaincus plie sous les assiduités de cette femme envoutante.

 

   Il ne reste rien sur la frêle petite jeune fille qui continue de tourner, la bouche soudée à une autre bouche, et dans sa nudité intégrale, elle semble si fragile. Elle n’est que belle pour cette autre elle, qui la pousse lentement vers ce canapé, pour l’y allonger avec une telle douceur, qu’elle s’aperçoit à peine qu’elle est à la merci de son homonyme presque parfait. Elle garde les yeux clos, mais les bouches se séparent. Puis sa nouvelle amie sans se démonter, retire lentement les oripeaux qui la couvrent encore.

 

   Les deux femmes sont maintenant à égalité ; aussi nue l’une que l’autre. Les mains, qui frôlent le corps d’Anna se font papillons pour suivre toutes les courbes, s’assurant, comme le maitre le ferait de l’écolier, des pleins et des déliés. Elles virevoltent sur de longues pistes encore inconnues, revenant sur des endroits dignes d’un intérêt particulier, pour mieux s’affranchir de ces plages trop visibles, cherchant dans des vallons étroits, des soupirs que la jeune fille ne saurait retenir. Anna ne se reconnait plus, laissant son esprit se libérer de ces contraintes, berçant tout son corps d’une vertigineuse langueur.

 

   Elle halète alors que maintenant les cheveux mi-longs de son amie montent en ondes légères sur son ventre délibérément exposé. Josiane connait son affaire, elle sait où et comment arracher des lambeaux de plaisir, extraire de ce corps abandonné, de petites plaintes qui n’en finissent plus de lui rappeler que le bonheur se conjugue aussi, parfois au féminin. Rien de rustre, rien de rude, simplement des vagues successives qui remontent de la gorge d’Anna, pour exploser au grand jour, sous la langue experte d’une Josiane tout attentive au bonheur de son invitée.

 

   La jeune femme ne sait plus vraiment quoi faire de ces fines mains à elle, de ses mains qui pendent au bout de ses bras, comme sans vie. C’est quand la bouche gourmande cherche la sève d’un coquillage entrouvert, qu’enfin elle se risque à les poser sur la tête qui lui donne du plaisir. Elle est belle dans cette pièce où tout désormais respire l’amour, et l’odeur du sexe qui embaume l’endroit renforce les envies de l’une et provoque aussi celles de l’autre. Les longues jambes galbées d’Anna se sont décollées pour ouvrir le compas où le visage de Josiane a eu tôt fait de s’engouffrer. La langue qui officie sur la chapelle humide recueille le miel de cette fleur délicatement écartelée, et si bien butinée.

 

   Est-ce que cela dure le temps d’un soupir ou bien le temps s’arrête-t-il ? Aucune ne répondra jamais à cette question. En est-il vraiment besoin ? Le bonheur et la jouissance ne sont finalement, qu’affaire d’instant et les spasmes qui parcourent Anna sont si violents qu’ils peuvent autant se poursuivre des heures, qu’une fraction d’éternité. Elle subit cet orgasme si incroyablement bon, alors que ses deux mains cramponnent les cheveux de Josiane, de peur qu’elle ne stoppe trop tôt la caresse qui emporte tout sur son passage. Oublié, le gamin blond avec son sexe qui bandait ! Ignoré Victor et ses pinceaux ! Les couleurs sont dans son esprit, quand elle jouit avec une violence inégalée.

 

   Anna aussi se prête aux jeux de mains, de langues et découvre à son tour un monde nouveau. Ses mains sont partout découvrant des formes et des replis que même son corps ne lui permet pas d’apercevoir. Elle suit du bout des doigts, des formes analogues aux siennes, se perd dans des recoins de la femme qui joue avec elle. Elle découvre son corps au travers de celui de cette femelle en rut qui distille ses caresses sans ménagement. Étrange comme la peau d’un sein peut lui donner des frémissements à cette autre elle, qu’elle touche. Le velours, le grain, la texture tout concourt à la faire geindre alors que ce sont ses ongles qui courent sur Josiane.

 

   Quand lentement elle introduit d’abord un index maladroit, puis le majeur, dans l’antre chaud et humide de la jolie poupée qui se laisse faire, Anna est en transe. Enfin quand l’ensemble de sa minuscule main est avalé par la chatte béante, le ventre de sa partenaire se creuse et sa tête dodeline de gauche à droite, dans d’incertains bercements. Maintenant, elle fait avancer et reculer son avant-bras dont toute l’extrémité mobile de la main disparait dans la foufoune. Elle se met elle aussi à jouir à nouveau, alors que c’est Josiane qui hurle des mots insensés, des mots crus.

 

   Le plaisir dure un long moment, avant que de retomber tout doucement ! L’odeur de femme s’est répandue partout dans la pièce, alors que lentement Anna récupère ses vêtements et remet de l’ordre dans sa tenue. Ensuite, la tête encore pleine de ce qui vient de se passer, les deux femmes s’embrassent encore une fois sur les lèvres avant que la plus jeune ne quitte l’appartement.

 

 — Tu reviendras ? Dit ! Tu reviendras me voir ? Cà fait si longtemps que je n’aie pas eu autant de plaisir !

 — Oui ! Je reviendrai ! Promis, j’ai vraiment aimé cette autre forme d’amour ! Merci pour le merveilleux moment que tu m’as offert !

 — Oh ! Attends ! Embrasse — moi encore une fois, juste une fois avant de partir. Je voudrais garder le gout de ta bouche sur la mienne ! J’ai adoré la fraicheur et la douceur de… ta main. C’était trop bon ! Je peux te dire quelque chose ?

 — Au point où nous en sommes ! Ne te gêne surtout pas !

 — Je crois… je crois que je t’aime !

 —… ? … ?

 — Oui ! Je t’aime vraiment ! Tu es… une femme merveilleuse. Je vais être jalouse de ton peintre demain, toute la journée !

 — Ne le sois pas, il n’a jamais tenté quoi que ce soit qui puisse me faire penser qu’il a un jour eu envie de moi ! C’est un type bien ! Je ne sais pas si je suis amoureuse de toi ! Je me suis sentie bien et j’ai aimé faire l’amour avec toi. Ce n’est pas forcément de l’amour, au sens où toi tu l’entends, mais plutôt de l’attirance physique oui, c’est sur. Bise ma belle et à bientôt alors !

 — Oui, je le souhaite ! Vraiment ! Bise !

 

— oooOOooo —

 

 

   L’atelier ! La porte que la jeune femme entrouvre après avoir frappé doucement, l’atelier est là avec ses habituelles odeurs qui lui montent aux narines. Elle avance d’un pas tranquille, vers un Victor qui lui tend la main, puis la joue.

 

 — Luis n’est pas encore là et il ne viendra probablement pas ! Enfin, il est toujours en retard, alors on va peut-être finir ton tableau ! Cà ne te dérange pas ?

 — Non, je fais comme d’habitude, alors ?

 — Oui, vas-y ! Mets-toi dans la lumière.

 

   Anna recommence son rituel. Un effeuillage rapide, sans fausse pudeur, puis elle prend son livre dans son sac, et la voici de nouveau couchée sur le canapé.  Victor au premier coup d’œil remarque un changement dans l’attitude de la jeune femme. Un air différent, comme un trait de femme supplémentaire. Il sait d’instinct que quelque chose s’est passé.

 

 — Tu n’es pas avec moi ? Tu n’es pas là Anna ?

 — Comment cela ?

 — Oh ton corps est présent, mais ton âme, je ne sens pas la présence de la femme que j’ai commencé à peindre ! Il te manque quelque chose ! Ce je ne sais quoi qui te rend unique ! Enfin ! Redescends sur terre, reviens ici quoi !

 — Pourtant, c’est bien moi ! Je n’ai pas changé depuis l’autre jour !

 — Je ne peux pas peindre une fille sans âme ! Le petit reflet, dans tes yeux, celui qui faisait de toi un modèle unique, il n’y est pas aujourd’hui ! Attends ! Je peux m’assoir près de toi ? Je n’arriverai pas à te peindre ainsi. C’est l’absence de Luis qui te met dans cet état ?

 — Luis ? Oh non ! Je ne pensais pas du tout à lui !

 

   Nue sur le sofa, Anna regarde Victor qui vient s’assoir comme l’autre fois, à ses pieds. Il prend sans en avoir l’’air son peton, et le massage qui débute est identique à celui déjà prodigué lors d’une séance où il lui demandait si elle accepterait de poser avec Luis. Elle se laisse faire, mais les souvenirs de ses fredaines avec Josiane remontent en flèches à son esprit. L’effet n’est pas le même, bien que les sensations soient agréables. Le vieux peintre frotte lentement la voute plantaire, perdu dans ses réflexions, perdu dans un monde bien à lui. Sa main file entre les orteils et délicatement les écartent l’un après l’autre, massant entre chacun d’entre eux.

 

   L’autre main qui jusque-là maintenait le pied se déplace, sans en avoir l’air. Elle est sur le mollet si bien fuselé de la jeune femme. Quand elle arrive au genou, elle en apprécie les contours, se mouvant lentement, en décrivant des petits cercles d’une paume douce. Le livre est entrouvert sur le coquelicot qu’il masque encore à la vue du peintre. Puis comme mue par une vie propre la main de Victor commence à monter sur l’intérieur de la cuisse d’Anna. Quand celle-ci arrive vers la couverture du livre, la demoiselle pose sa main sur le poignet baladeur.

 

 — S’il vous plait ! Non Victor ! Ne gâchons pas nos si beaux moments ! Je vous en prie, je n’ai pas envie de…

 — Oh ! Pardon ! Je m’égare dans des rêves qui ne sont plus de mon âge ! Excuse-moi, si je t’ai heurté, je ne voulais que te détendre. N’y vois aucune malice ! Tu es si… étrange aujourd’hui… si belle toujours.

 — Votre âge n’a rien à voir là-dedans ! C’est juste que je ne suis pas très en forme, un peu surmenée par les examens qui arrivent et par ma journée d’hier qui a été pour le moins mouvementée.

 — Tu veux m’en parler ? De ta journée ou de ce qui te tourmente ?

 — Pas maintenant, j’ai besoin de temps, pour réfléchir, pour savoir si…

 — Oui pour savoir si… ?

 — Si je ne suis pas amoureuse aussi !

 — Ah heureux homme que celui-là que tu vas aimer !

 — Humm ! Pas si sure que vous, que cette personne-là soit heureuse vraiment de notre rencontre. Et puis je n’ai pas parlé de mâle !

 

   Il regarde Anna à la dérobée, lâche son pied et sa cuisse, puis il se dirige vers son chevalet. La réponse ambigüe de la femme le laisse perplexe. Bien sûr qu’elle avait raison de l’arrêter dans la folie qu’il pensait encore possible. Il ne veut pas imaginer ce corps de déesse, caressé par des mains de femme. Mais finalement si c’est sa voie, il n’a pas à intervenir. D’un geste brusque, il retire la toile qui se trouve devant lui. A sa place une autre, immaculée celle-là, est remise. Ses mouvements sont plus fougueux, plus francs, il s’applique à refaire une autre ébauche de cette femme avec des yeux tout neufs.

 

   Pourquoi, Josiane est elle entre le chevalet du peintre et elle ? Comment est-ce possible ? Il n’y a eu que des rapports physiques entre les deux, Anna ne veut rien entendre d’autre. Pourtant, la petite voix au fond de sa caboche, la voix de sa conscience qui lui susurre que c’est plus que cela ! Doit-elle l’écouter ou tenter de la faire taire. Elle est là, depuis son réveil avec les mots qu’elle n’aurait pas voulu entendre !

 

— Je crois… je crois que je t’aime !  Oui ! Je t’aime vraiment ! Tu es… une femme merveilleuse. Je vais être jalouse de ton peintre demain, toute la journée !

 

   Comment est-ce possible ? Il lui semble que Josiane lui murmure sans arrêt ces deux phrases au creux de l’oreille. Pas moyen de se défaire des sons et de la sincérité crue, avec laquelle elle a presque gémi ses mots à Anna. Tout ceci la perturbe au point que Victor s’en soit aperçu ? Mais elle ? Que ressent-elle vis-à-vis de cette… nouvelle amie, de cette inconnue finalement, qui s’est permis de perturber le bon ordre de sa vie ! Puis cet homme qui faisait courir sa main sur sa cuisse ? Pourquoi a-t-elle fait immédiatement le parallèle entre les doigts de l’homme et ceux de Josiane qui l’avaient touché la veille ? Qui avait l’avantage au moment où elle a demandé au peintre de stopper sa montée vers… oui, lui aussi il allait la toucher là, entre les cuisses.

 

   Ce n’est pas croyable comme toutes les images se mélangent dans sa tête. Celles de Josiane, femme jusqu’au bout des ongles, mais aussi d’autres venues de plus loin. Le sexe de Luis dans sa main, cette chose vibrante qui lui chauffait la paume. Puis ce sont les deux seins de la vendeuse qui refont surface, comme s’ils étaient là, sous ses paupières à peine closes. Les clichés se diluent dans d’autres images, tout aussi savoureuses, et la pointe de feu qui nait au creux de reins d’Anna l’oblige à serrer les cuisses. Inutile de rajouter la curiosité de Victor à cette envie étrange. Mais ce simple geste de serrer les jambes ne la trahit-elle pas ?

 

   Lui ne jette aucun coup d’œil à la belle femme qui est là. Il la regarde, oui, mais c’est le modèle qui est sous ses yeux. La femme est remisée au second plan. Il ne veut en aucun cas que ces sentiments personnels transparaissent sous le pinceau qui dispense sur la toile, les formes opulentes de cette Anna qui lui rentre par tous les pores de la peau. Elle est… magique, belle, fée d’un instant, fée à croquer, pour le bonheur des yeux qui ont ou auront la chance de la voir ainsi alanguie sur le canapé. Il se dit qu’il n’aurait pas du, qu’il ne devrait plus la faire venir, qu’il y va de sa liberté. Mais il ne peut s’empêcher d’imaginer…

 

  — Bien ! Anna, Luis ne viendra surement plus et cela fait deux bonnes heures que tu es là, sans bouger ! C’est fini pour aujourd’hui !

 — Je peux me rhabiller alors ?

 — Oui ! Oui ma belle ! Bon sang que tu es… mignonne ! Ils ne te le disent pas tes copains,

 — Je n’ai pas de copains, des amies oui, mais pas vraiment d’hommes pour me regarder.

 — Tu n’es donc entourée que par des ânes ? Les mecs ? Tous des aveugles qui ne voient rien ? Vingt ans de moins et…   Bon et bien, tu prends l’enveloppe sur la fenêtre, c’est pour toi.

 — Merci Victor ! Je reviens quand ? Et Luis, il sera là lui aussi ?

 — Ma pauvre, je n’en sais rien, il va, il vient, c’est un feu follet ce garçon. Dommage, vous feriez un beau couple tous les deux.

 

   Alors que ses vêtements recouvrent à nouveau sa silhouette, il ne peut s’empêcher de laisser échapper un soupir. Cette femme est une bénédiction, un cadeau du ciel. Et que ce soit une femme ou un homme, celle où celui qui saura prendre son cœur aura bien du plaisir, de cela, le vieux peintre en est certain. Elle s’approche de Victor et sur la joue grisonnante d’une barbe soigneusement entretenue, elle dépose un bisou ! C’est comme un coup d’électricité pour lui. Son ventre est en ébullition et il se sent remué de l’intérieur, un vrai brasier qui le consume ! Merde ! Il ne va quand même pas tomber amoureux d’une midinette de vingt balais ?

 

   La souris est partie, à tous petits pas. C’est comme si elle marchait sur des œufs. Sa croupe ondulait sous sa jolie jupe, entrainant l’imagination galopante d’un vieil homme. Dire que ces cuisses étaient offertes à sa vue, là sur le canapé ! Victor laisse trainer ses mains sur l’assise où il lui semble que la chaleur de la femme est toujours présente. Le velours doux du sofa, garde l’empreinte douce de ce cul qui s’y est posé et à genoux l’homme en plus de ses mains, cherche du bout du nez l’odeur de cette femelle d’exception. C’est en se traitant de vieux fou qu’il pense qu’il serait préférable qu’elle ne revienne plus. Mais…

 

 

— oooOOooo —

 

    Le livre posé sur la table de chevet, « L’automate » déjà bien entamé, lui rappelle la FNAC. Plus exactement sa vendeuse et ce qui est ensuite arrivé. Anna seule, dans son grand lit, n’arrive pas à trouver le sommeil. Partagée entre ses souvenirs d’une queue palpitante qui pourtant n’a fait qu’effleurer sa main et les agapes plus compromettantes de Josiane, elle est perturbée. Elle songe qu’elle aime ce petit appendice qui prend un volume si conséquent, mais qu’elle aimerait aussi l’allier aux baisers et caresses de la femme qui l’a si bien fait jouir. Pourquoi l’une ne pourrait pas être le prolongement de l’autre ?

 

   La jeune femme respire plus fort et ses sens la tiennent en éveil. Elle se tourne, se retourne, mais les deux visages se confondent et la chatte de Josiane s’associe au pénis de Luis pour lui donner un coup de chaleur. Elle devient presque folle, à force d’imaginer que les deux sexes pourraient tout aussi bien s’imbriquer l’un dans l’autre alors qu’elle jouirait, elle, du spectacle ! Bon sang ! Pourquoi son esprit se rend-il malade au point de voir comme si c’était réel, cette scène qui lui donne des frissons partout. Elle n’est pas vraiment certaine qui Luis aime les femmes, pas plus qu’elle ne connait les gouts de Josiane en matière d’homme.

 

   À force de s’échauffer à imaginer des scènes brûlantes, son corps réagit. Bien à plat sur le dos, elle entrouvre largement les jambes et laisse ses mains parcourir la voie royale qui va de son ventre à cette fourche bouillante. Les doigts ont vite remis quelques degrés supplémentaires à ses visions déjà torrides. Aux premières sollicitations de ces phallus miniatures, tendus sur le capuchon d’un clitoris exacerbé, elle part tout droit pour un orgasme mémorable. Elle en tire toute la jouissance possible avant que de s’endormir avec des images d’une jolie vendeuse et d’un espagnol enchâssés dans une scène d’amour physique intense.

 

   Un réveil douloureux, quelques journées de cours bousculées par l’approche de cet examen dont elle ne veut pas rater l’échéance, et Anna arrive pratiquement à oublier les trois protagonistes de son histoire d’amour. Enfin pas tout à fait. Il lui reste quand même des flashs qui lui rappellent qu’elle en devient folle des ces gens-là. Elle réussit cependant une soutenance en anglais quasi parfaite, le sacre est au bout de ce chemin, elle en est consciente. Elle n’a pas revu Victor, Luis ou Josiane ! Quelques minutes après l’épreuve qui lui faisait si peur, elle a bien failli appeler le peintre, mais elle a finalement jugé plus sage de n’en rien faire.

 

   Ce matin, c’est l’affichage des résultats et elle est anxieuse, devant le tableau où tout à l’heure, une prof va venir avec la liste des gens reçus. Son cœur bat fort, bien qu’elle soit convaincue d’avoir bien réussi chacune des épreuves. Elle se promet de faire une fête d’enfer si… son nom se trouve bien sur le listing. Les autres aussi sont là, agglutinés au portail encore clos, loin du panneau des résultats, vide pour le moment. Elle se dit que sa mère saura la première, le bon ou le mauvais, elle se doit de lui dire. Ensuite si elle pouvait réunir Victor, Josiane et Luis, ce serait le pied. Mais… c’est plus compliqué qu’il n’y parait ! Bon ! Elle attend, pas franchement sereine.

 

   L’idée de se rendre chez Victor en compagnie de Josiane trotte dans la tête d’Anna depuis un jour ou deux. Le pied serait que Luis s’y trouve aussi et que tous ensemble, ils arrosent la licence espérée. Par instant elle ne doute absolument pas de l’obtenir et la minute d’après ce sont les doutes qui s’installent. En parlant d’installer, une femme aux cheveux ébouriffés, est dans la cour et s’affaire sur le panneau, des feuilles à la main. Les étudiants collés au portail, attendant l’ouverture de celui-ci, avancent comme une vague. En retrait de cette marée, la jeune femme, les jambes flageolantes, n’ose ni aller de l’avant ni reculer.

 

   Quand les battants s’écartent, elle est emportée par cette masse hurlante, qui file tout vers le même point de ralliement. Elle en est encore bien loin quand les premiers sourires s’affichent sur certains visages, alors que sur d’autres, ce sont des larmes qui s’invitent. Soudain, elle se trouve pressée d’en finir, savoir, rire ou pleurer, elle n’a plus envie d’autre chose que de connaitre son sort. Les lignes noires des feuillets dactylographiés sont parcourues par ses yeux alors qu’elle tente de se fermer à toutes émotions. Elle suit les longues files de noms, inscrits par lettres alphabétiques. Le sien apparait au détour d’une ligne qu’elle regarde par deux fois pour s’assurer que c’est bien réel.

 

   La pression, l’incroyable tension de cette matinée se relâche enfin et elle manque de tomber ! Licenciée, elle est licenciée et curieusement elle ne se sent pas vraiment concernée pas cette nouvelle. Son esprit semble osciller entre Josiane aux mains douces et le sexe de Luis, chaud dans sa paume. Puis seulement l’image de sa mère, la première qui doit savoir… elle imagine sa tête. Sure aussi que depuis ce matin, Gisèle n’a pas dû s’éloigner du téléphone. Anna se hâte de trouver un endroit calme, et le cœur battant elle annonce enfin la bonne nouvelle à celle qui n’en pouvait plus de vivre dans l’incertitude.

 

 — Maman ! Je suis reçue, maman, ça y est enfin !

 — Mon ange, je n’en ai jamais douté ! Mais mon dieu comme j’ai prié pour que cela arrive enfin !    Ton père de là-haut doit être tellement fier de toi ! Tu rentres quand à la maison ?

 — Je vais fêter cela avec mes amis et en début de semaine, je serai « chez nous », près de toi pour quelques jours de vacances.

 — Oh ! Anna, si tu savais comme je suis contente, je n’en ai jamais douté, tu es une bonne fille. Je t’aime mon amour !

 — Moi aussi ma petite maman, Ne pleure pas, c’est un beau jour ! Arrête ! S’il te plait, tu vas me faire pleurer aussi. Je t’aime maman.

 — Moi… moi aussi je t’aime tellement, ma petite Anna.

 

   Les larmes qui roulent sur les joues de la jeune femme sont les parfaits échos de celles qui se meurent dans la voix de sa mère, alors que d’un geste sec Anna coupe le téléphone. Elle essuie d’un revers de main les gouttes d’amour qui coulent encore en rivière limpide du coin de ses yeux à son menton. Maintenant, elle se dit qu’elle peut annoncer la bonne nouvelle à Victor, Josiane et pourquoi pas à Luis ?

 

 — Bonjour Victor ! C’est Anna à l’appareil !

 — J’ai reconnu ta voix ma belle ! Alors, raconte ! Tu es reçue ? Allez, ne me fais pas languir plus longtemps ! Dis-moi vite !

 — Oui, ça y est, j’ai ma licence.

 — C’est un bon début, une belle entrée dans le monde des grands non ? Et ça se fête ! Tu peux venir cet après-midi ? Luis est là, je le garde avec moi pour cet événement ? Enfin si tu n’y vois pas d’objection bien sûr !

 — À ce sujet, puis-je aussi inviter une de mes amies ? Je suis sure qu’elle vous plaira.

 — Mais bien sûr Anna, tes amies sont aussi les bienvenues, venez donc, nous ferons une fête d’enfer.

 — Bon et bien à toute à l’heure Victor !

 

   À peine Anna a-t-elle raccroché son téléphone qu’elle se précipite chez sa nouvelle amie. La Josiane qui ouvre sa porte affiche un large sourire à la vue de la jeune femme.

 

 — Je suis venue te chercher ! Allez ! Viens, je t’emmène chez « mon  peintre » ! Nous allons fêter la réussite à mon examen, tu veux bien ?

 — Oui ! Avec joie et je te félicite alors ! Mais je n’ai jamais douté un seul instant que tu réussirais ! Tu es belle, intelligente et tu as la niaque, alors il ne pouvait en être autrement. C’est pour cela que je t’aime !

 — Nous nous arrêterons en route pour que j’achète une ou deux bouteilles de champagne ! Tu vas enfin connaitre Victor et peut-être aussi Luis, s’il daigne rester à l’atelier. Avec lui on ne sait jamais.

 — On ne va s’arrêter nulle part, nous allons juste simplement puiser dans ma cave, nous allons bien y dénicher deux ou trois bouteilles bien fraiches pour saluer ta victoire.

 — Tu crois que je peux… ce n’est pas vraiment abuser ?

 — Abuser ! Que voilà un vilain mot ! Tu n’abuseras jamais de rien toi, tu es trop gentille, et ton sourire, ton bonheur vaut bien quelques gouttes de champagne, ne crois-tu pas ?

 — Ben… !

 — Chut ! Allez, allons voir si nous trouvons notre bonheur dans mon antre !

 

   Les deux femmes en riant aux éclats, descendent dans la cave. Pour finir, sur des étagères bien rangées, elles dégottent trois bouteilles du précieux nectar et les voilà parties, destination l’atelier du vieux Victor. Le voyage n’est pas très long, ou du moins, ne le parait-il pas tant, elles sont volubiles. Les fous rires succèdent aux fous rires et finalement elles trouvent une petite place de parking qui semblait les attendre, à quelques pas de l’atelier. Dans celui-ci, les deux femmes trouvent Luis et Victor occupés.

 

   Sur le sofa, le jeune homme est nu comme un ver, dans la même position que celle que prend Anna quand elle pose pour le peintre. Nullement gêné, il lève simplement les yeux sur cette belle fille qui entre, puis soudain s’aperçoit qu’à la suite de celle-là, une femme plus âgée se trouve dans l’encadrement de la porte. Instinctivement, sa main gauche vient cacher le sexe endormi qui se perd dans une masse de petits poils sombres, juste au bas du ventre du garçon. Sans doute pique-t-il un fard que les autres ne remarquent fort heureusement pas.

 

   Promptement, il saute sur ses pieds et noue autour de sa taille une serviette qui masque une partie de cette nudité qui cependant n’a échappé à aucune des deux femmes. Un simple geste de décence qui pour l’heure apporte sur les lèvres de Victor comme une sorte de rictus, alors qu’Anna s’efforce de présenter son amie aux deux là.

 

 — Victor, je vous présente Josiane ; Josiane voici mon peintre préféré, Victor. Et là, ma belle, voici un autre modèle de notre artiste ; Luis ! Luis, voici mon amie Josiane !

 — Enchantée Josiane alors, donnez-vous la peine d’entrer ! Luis, tu veux bien te rhabiller !

 — Oh ! Mais laissez-le donc, il est beau dans cette position… avantageuse. Un bien joli garçon qui doit beaucoup plaire à notre Anna !

 — Mais… pourquoi… pourquoi dis-tu cela Josiane ?

 

   Anna n’a pas pu s’empêcher de formuler cette remarque sentant la petite pique ironique de sa nouvelle maitresse ! Une pointe de jalousie mal placée, enfin une phrase perçue comme telle par la jeune fille et des mots finalement qui ont le don de l’irriter quelque part.

 

— Josiane, venez donc vous assoir ici, enfin essayez de trouver un petit coin sur le canapé. Surtout, faites attention toutes les deux de ne pas vous tacher avec ma peinture ou mes vernis.

 — Puis je vous demander de mettre ces bouteilles au frais ?

 — Mais bien sûr ! C’est vrai que notre petite Anna à quelque chose d’important à fêter ! C’est un beau jour pour elle. Et ses amies ont de bien jolies formes à regarder. Juste avec les yeux de l’artiste, je vous rassure, Madame !

 — Oui ! Oui ! On peut toujours faire confiance aux mecs pour cela ! Et à tous les âges, ils ont l’œil pour remarquer… les formes qui leur conviennent.

 — Je vois que vous avez une bien piètre opinion de la gent masculine, mais c’est votre droit.

 — Il faut vous dire aussi que mon mari est parti avec sa secrétaire et que j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre. Encore qu’il m’ait abandonné un bon matelas de billet pour voir venir.

 — Ma foi ! Les expériences malheureuses accrochent plus notre esprit que les bonnes, je vous le concède, mais est-ce une obligation de fourrer tous les hommes dans le même sac ? Il peut y en avoir un ou deux à récupérer ! Non ?

 — Nous sommes là pour fêter ma réussite à mon examen, pas pour disserter sur les bons ou les méchants, alors s’il vous plait, vous deux, faites la paix. Buvons tous un verre à ma licence ! Au moins, la bouche pleine de champagne, personne ne dira plus de bêtises.

 — Ah que voilà de belles paroles ! Allez vous deux, Anna vous demande d’ouvrir une bouteille, ne la faisons pas attendre.

 

   Le « plop » du bouchon qui saute, le jaune paille du breuvage, les bulles qui pétillent dans les verres, et les sourires des uns et des autres sont de retour. Josiane, à la dérobée laisse ses regards trainer sur Victor. Cet homme l’intrigue autant qu’il l’attire. Sa barbe de trois jours bien entretenue lui confère un certain charme. Elle secoue la tête tout en trinquant à la réussite de sa jeune amie. Pourtant, la vue du garçon nu à son arrivée, puis de cet homme, et enfin la présence d’Anna, tout concourt à lui donner chaud.

 

   La bouteille fait deux tours et se trouve rapidement vide. Alors les langues se délient, les regards s’affolent, les rires fusent. À la troisième tournée, les regards d’Anna sont déjà presque noyés dans ceux d’une Josiane qui sent monter au fond de son ventre une envie bizarre. Elles se sentent si proches l’une de l’autre, oubliant pratiquement la présence des deux mâles qui n’ont rien vu de leur petit manège. Pour ce qui est de Luis c’est certain qu’il ne se doute de rien, mais pour Victor ! Il en va bien autrement.

 

   Lui sait d’instinct que ces deux là, sont plus que des amies. Les yeux qui se perdent dans d’étranges regards à peine voilés, les lèvres de Josiane qui tremblent en parlant à Anna, lui a saisi que ces deux là sont sans doute amantes ; il en jurerait. Assis face aux trois qui occupent les places du canapé, il fixe dans sa mémoire les sourires, disséquant chaque mot, et tous le ramènent à cette idée que les deux femmes partagent plus que de l’amitié. Même si Anna s’en défend et qu’elle tente de donner le change par des gestes qui finalement ne font que confirmer ce qu’il pense.

 

 

— oooOOooo —

 

 

   Victor a trouvé une boite de gâteaux secs. Ceux-ci font un mariage heureux avec le champagne et les verres qui se vident laissent des traces visibles dans le comportement des filles, encore que Luis soit passablement éméché lui aussi. Les yeux de Josiane ont aussi une sorte de reflet plus métallique quand ils s’enfoncent dans ceux d’Anna. Le garçon ne dit plus rien, l’air fatigué alors que les deux femmes, elles se sont rapprochées, comme si l’alcool devenait un déclencheur. Leurs gestes sont de plus en plus équivoques et la présence des deux hommes ne change plus rien à cet état de fait.

 

   Personne n’est de bois dans de pareilles situations et Victor sent bien que quelque part au fond de lui, il est tout remué. Cette promiscuité avec les désirs de plus en plus charnels des deux amazones lui fait de l’effet, effet qui bien évidemment commence à être de plus en plus visible. Chez les mecs, c’est compliqué de masquer l’envie. La bosse qui déforme son pantalon en est une preuve bien tangible. Mais ni Josiane ni sa compagne du moment ne remarquent ce détail de moins en moins léger. Quant à Luis, il a de plus en plus de peine à garder les mirettes ouvertes. Elles donnent au peintre l’estocade lorsque comme cela, sans crier gare, les lèvres des deux visages féminins se rapprochent au point de se toucher.

 

   Ce baiser-là vaut toutes les peintures du monde. Et les mains des filles s’entrecroisent, s’emmêlent de la même manière que leurs langues se lient dans un ballet sensuel, auquel le vieil homme assiste sans un mot. Les doigts qui se frôlent s’envolent, allant du cou aux épaules, avec toute la tendresse de la terre. Elles en oublient la présence des hommes. Enfin d’au moins l’un d’entre eux parce que pour ce qui est du second… l’alcool ne lui réussit pas. Alors que les lèvres se dessoudent, s’écartent les unes des autres, deux petites pointes roses de langues finissent par donner envie à Victor.

 

   Près d’un Luis qui somnole sur le bout du sofa, les deux dames reprennent leurs gestes équivoques. Après les bouches, se sont les mains qui courent sur des corps encore vêtus. Et le vieux bonhomme se met à l’aise dans son siège pour reluquer les deux là qui ne se préoccupent plus de personne d’autre que d’elles. Et c’est la plus âgée qui s’attache à ouvrir le chemisier de la plus jeune. Mais il faut aussi avouer que celle-ci se laisse faire de manière désarmante. C’est pourtant souvent qu’Anna s’est déjà trouvée nue dans cet atelier, mais jamais pour les raisons de ce jour. L’effeuillage de la belle gamine est relativement rapide et surtout hautement érotique.

 

   Sous les regards incrédules du peintre, c’est au tour de la jeune femme de retirer, une à une, les nippes de Josiane. Toujours sous les yeux intéressés de Victor dont le souffle semble s’être arrêté au début des déshabillages. Il n’en revient pas de voir ces deux paires de seins si différentes et pourtant si… pleines d’un charme irrésistible. Si la poitrine d’Anna est d’une rondeur splendide, les mamelons de Josiane attirent les mains d’une manière presque instinctive. L’une est une femme en devenir, et l’autre en est une dans la plénitude de l’âge. Différentes, mais tellement… tellement désirables, que la tête de bonhomme va d’une paire de nichons à l’autre avec une soif de n’oublier aucun détail.

 

   Les mains s’enlacent, sans fausse pudeur, les yeux se noient les uns dans les autres, aucune des deux femmes ne se souciant de la présence du peintre ni de celle du bel endormi. Alors sans bruit, le vieil homme se lève, et la toile de son chevalet est vite remplacée par une autre, totalement vierge, celle-là. Sous ses regards se déroule une scène hallucinante, un bouquet changeant. La bouche d’Anna qui dévore littéralement celle d’une Josiane non moins gourmande. Les vêtements de la plus jeune des filles s’envolent bien vite, jetés sans ménagement dans la pièce, au hasard d’une main qui s’ouvre.

 

   Sans bruit, le pinceau décrit par de larges circonvolutions les images fugaces laissées par ces deux vamps qui ne se privent pas de soupirer, de geindre aussi doucement. À leur côté, le dormeur ne semble pas vouloir s’éveiller et dans la folie amoureuse passagère de l’une et l’autre, le pagne de bienséance de Luis se trouve ouvert on ne sait comment. Mais bien vite le terrain de jeu qu’est devenu le canapé se retrouve trop exigu pour les deux dames en mal de bienfaits. La première qui roule au sol entraine la seconde et la scène se déroule sur des lames d’un parquet ancien qui ne grince pourtant pas.

 

   Anna laisse son double effleurer son corps à la recherche dont ne sait quel trésor caché. Les vallons et les collines sont tous explorés minutieusement, alors que les ongles de la jeune femme laissent des trainées rouges sur le dos de sa compagne. Puis enfin dans une position qui leur permet à chacune de profiter de l’autre, elles trouvent enfin le sanctuaire des plaisirs inavouables. C’est tantôt la plus âgée qui se retrouve sur la plus jeune, puis l’inverse se produit. Mais aucune ne lâche cette chapelle que toutes les deux veulent faire vibrer. Les images vont si vite que Victor a dû mal de suivre les reflets changeants de la partition à quatre mains et à deux bouches qui se joue devant ses yeux.

 

   Son ventre à lui est également en proie à cette frénésie qui, plus jeune l’aurait conduit à coup sûr à un orgasme magistral. Il ne veut plus penser à rien d’autre qu’à ces couches de peinture qui déferlent sur la toile, rendant plus concret ce merveilleux mélange de deux amantes qui ne s’occupent plus que de ce plaisir à partager. Sur le canapé, un œil sombre vient de s’ouvrir sur une figure encore dans le flou du sommeil. La petite chose qui pend dans les poils au bas du ventre de Luis, elle aussi reprend gout à la vie. Elle semble même dotée d’une existence propre, indépendante de celle du garçon.

 

   Il se dit un court instant qu’il est sans doute dans un rêve, érotique certes, mais un rêve c’est sur. Puis lorsqu’enfin il entrouvre le second œil et que ses oreilles perçoivent les bruits caractéristiques de lapements, de succions, il ne peut plus douter de cette débauche de corps qui dansent lentement sur les lames du parquet. Sa tige est déjà raide comme un piquet de parc fraichement posé. Il jette un regard vers Victor qui continue de peindre, les femelles qui jouent de leurs sens, qui jouent de leur beauté, dans cet étrange ballet d’amour.

 

   La tête relevée, les yeux comme fou, les doigts du jeune garçon se tendent vers le dos le plus proche. Mais une autre main féminine celle-ci, l’empêche d’atteindre son but et le « non » qui jaillit d’une gorge enrouée, voix indéfinissable, l’arrête net dans son élan. Alors la paume tendue au bout d’un bras, un instant désarçonnée par le refus, se tourne vers le mat qui reste tendu jusqu’au nombril. Les petits boudins roses encerclent celui-ci, et débutent alors une autre rumba, une rumba d’amour. Trois sons différents sont audibles par l’artiste qui comme si de rien n’était, continue à décrire d’un pinceau humide, la sarabande lubrique qui se déroule devant lui.

 

   Les filles dans un ensemble parfait sont à l’apogée de leur plaisir. Les râles qui s’ensuivent sont autant de notes de musiques inscrites sur la partition féminine débutée quelques instants plus tôt. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, au moment où les deux se mettent à jouir, Luis a lui aussi un formidable orgasme solitaire. De son sexe au bout rose et brillant jaillit soudain une trainée blanche, laiteuse, qui explose dans un cri qui se confond avec ceux des femmes. Le liquide visqueux décrit comme un arc de cercle et va se répandre sur les peaux des amantes qui tentent de reprendre leur souffle.

 

 — Mesdames, Mesdames, vous êtes magnifiques ! La toile qui va sortir de ce moment magique sera sans doute la plus belle que j’ai jamais peinte. Elle reflète tout l’amour que vous avez laissé transparaitre dans votre enchevêtrement amoureux et comment décrire mieux qu’en vous peignant ces instants merveilleux !

— Oh ! Victor, pendant un long moment nous avions oublié votre présence ! Celle de Luis aussi, jusqu’à ce qu’il se rappelle à nous ! Mais jeune homme, il vous faut apprendre le respect et a demander la permission. On ne touche que si l’on est d’accord, et pas comme vous vouliez le faire.

 — Je vous demande pardon, et vous m’avez tellement surpris ! J’ai trop bu, l’alcool n’est pas bon pour moi.

 — C’est le moins que l’on puisse dire ! Tu t’es endormi au troisième verre de champagne !

 — Non ! Je suis aussi fatigué par mes journées harassantes ! Je travaille moi, pour payer mes études !

 — Allons vous n’allez pas vous chamailler pour si peu ! Finissons la bouteille et si vous voulez, je vous montrerai ce qui ressort de vos… petits jeux de dames… sur ma toile !

 

   Les filles sont assises sur le sol et debout devant elles, Luis. La flamberge au vent, il regarde tour à tour les deux brunes, ne comprenant pas trop pourquoi elles préfèrent jouer entre elles plutôt qu’avec cet ustensile qui devient bien encombrant à force de se tendre pour rien, à ne plus vouloir retomber malgré son essorage réussi. Et sa mine semble si déconfite que les deux visages féminins s’illuminent d’un large sourire qui en dit long sur les pensées d’Anna et de Josiane. Victor lui, ne perd pas une miette de cette scène qui se déroule devant lui et s’il n’en sourit pas c’est juste pour ne pas chagriner davantage son unique modèle masculin.

 

 — En plus vous vous foutez de moi ! Finalement je n’aime décidément pas les gouines. C’est une race qui ne devrait pas exister.

 — Allons jeune homme calmez-vous ! C’est simplement que votre tête est si… drôle, que vous nous donnez envie de rire. Et puis « gouines » et un mot méchant dans votre bouche de petit minet. Nous ne sommes pas persuadées que vous n’en croquiez pas vous aussi. Vous avez des fesses… tellement… féminines. C’en est un vrai bonheur que de vous imaginer… vous n’avez jamais essayé ?

 — Essayer quoi ? Que voulez-vous dire ?

 — Tu ne vas pas nous faire croire que tu n’as pas compris. Regarde, Victor aussi se marre de te voir.

 — Mais ce n’est pas bientôt fini de vous envoyer des piques comme cela ? Finissez donc le champagne, ça détendra tout le monde.

 

   Les deux plus jeunes baissent les yeux, prenant en pleine figure la remarque acerbe du peintre. Josiane s’est levée et elle est venue à la rencontre de l’artiste ! C’est plutôt vers sa toile qu’elle se dirige. Anna perplexe se dit que sans doute elle aussi va se faire jeter, il n’aime pas que l’on regarde ce qu’il fait quand ce n’est pas fini. Et pourtant, il ne fait pas un geste pour l’empêcher de voir ce tableau. Sur le chevalet, ce que Josiane approche lui fait mettre les mains sur la bouche. Le spectacle de sa nudité, de celle de son amie, rendue de telle manière que pas un détail ne manque. Tout réveille à nouveau ses sens.

 

 — Oh ! Victor, vous êtes un magicien ! Vous êtes un… Dieu ! C’est vraiment nous et dans quelles postures ! C’est… ! Anna, c’est sublime ! Tu es belle là-dessus, comme… je n’ai pas de mot pour le dire ! Viens voir, Anna ! Viens vite voir !

 

   D’un bond la jeune fille se précipite et elle n’en croit pas ses yeux. Mieux qu’une photographie, elle découvre son corps sous celui de Josiane ! Il lui semble qu’elle ressent encore le gout et la douceur de cette peau-là, qu’elle frémit de nouveau sous les caresses. Alors c’est simplement en cet instant qu’elle voit la scène comme le vieil homme l’a perçue. Même Luis est représenté dans une étrange position, le sexe raide et les yeux grands ouverts. Elle sait maintenant qu’il n’a finalement rien perdu de ce mélange savamment orchestré par une Josiane remplie d’envie.

 

 — C’est… tout simplement sublime ! Victor, vous êtes un génie, et quel coup de pinceau ! C’est vraiment nous trois, comme nous ne nous verrons jamais !

 — Oui ! Mais c’est aussi le but du peintre non, que de rendre l’instant fugace figé à jamais sur la toile ? Et j’avoue sans détour que vous étiez à cet instant-là, deux merveilleux modèles. Et que dire de Luis qui a joué le type ivre à la perfection ! Malgré ces cils à demi fermés, je sais bien, moi, qu’il n’a rien perdu de ce que vous faisiez, et que sa verge l’a trahi plus que ses regards. Finalement vous êtes pour longtemps ce que j’ai fait de mieux, comme une seconde naissance !

 

   La barbe presque blanche de l’homme remue imperceptiblement sous l’effet magique des paroles de cette belle plante qu’est Josiane. Il sent bien que cette femme là, l’attire et lui remue les sangs. Il aimerait se laisser aller, juste un instant, un tout petit moment, en fermant les yeux, se souvenir de ces caresses passées, de ces si doux attouchements, ceux d’hier, ceux d’une autre Josiane, dans un autre temps. Mais il y a également les formes prometteuses d’Anna, cette poitrine d’une arrogance folle qu’elle exhibe sans faux fuyants, sans faux semblant. Puis la texture délicate de sa jambe, de sa cuisse, il aimerait finalement avoir le courage, celui de gouter à tous ces fruits appétissants.

 

   La soirée se poursuit en chanson, les filles donnent de la voix et les deux garçons en sont ravis. Mais plus aucun geste, le plus ténu soit-il ne viendra troubler les envies des uns et des autres, bien emprisonnées au fond de chacun d’entre eux. À l’heure de se quitter, quand tous finissent par n’avoir plus qu’une idée, celle de rentrer chez eux, pour se coucher, Le dernier slow entraine dans sa ronde patiente les deux femmes alors que les hommes eux finissent un café froid depuis longtemps déjà. Les tasses se posent sur la table, la porte s’entrouvre sur les espoirs et les illusions de tous, mais tout reste possible, rien n’est vraiment perdu. Tout se gagne finalement.

 

— oooOOooo —

 

A suivre…

 

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