Le Peintre I

Première volet de la rencontre entre une étudiante Anna et Victor un peintre. Il va découler de ces heures de pose de bien étranges choses.

 

 — Bon ! C’est fini pour aujourd’hui ! Anna tu peux te rhabiller !

 — D’accord ! Je reviens mercredi ?

 — Tu me téléphones avant ! Je veux être sûr que la lumière sera bonne et je crois que la météo annonce de la pluie ! Je ne fais rien s’il pleut !

 — Entendu ! Je vous passe un petit coup de fil mercredi matin, en fonction du temps, alors !

 — Oui, si tu vois qu’il pleut, c’est inutile, je ne pourrais pas avoir de bonnes lumières.

   La jeune fille qui parle à l’homme s’est levée du canapé. Avec grâce, elle avance vers un fauteuil où elle a déposé ses vêtements. Elle se penche, attrape du bout des doigts une culotte en nylon et se couvre les fesses sans hâte. Ensuite un à un, elle enfile d’abord une chemise de soie rouge, puis une jupe noire en coton. L’ensemble lui va à ravir et elle passe la main dans sa chevelure brune, rejetant en arrière la mèche, qu’il lui avait demandé de faire tomber sur le devant de son visage.

   Lui, l’homme est nettement plus âgé qu’elle ! Une barbe blanchie, bien accordée avec ses tempes argentées, des cheveux relativement courts, des yeux d’un bleu délavé, il regarde la jeune femme. Celle-ci bien droite devant lui, se penche légèrement, elle vient de remettre une paire d’escarpins pareils à des échasses. Ensuite elle s’approche de lui, tentant d’observer ce qu’il masque avec dextérité sous un drap blanc.

 — Non ! Ne triche pas ! Tu sais bien que je n’aime pas que l’on voit avant que ce soit terminé. Pour le moment ce n’est que l’ébauche, il nous faut encore au moins trois, voire quatre séances, pour que ce soit… enfin que ce soit comme je l’imagine !

 — Excusez-moi ! Je ne voulais pas être indiscrète, c’est juste de la curiosité.

 — Oui, mais tu verras ! Ce sera sans doute moins beau que l’original ! Allez file, tu vas être en retard à ton cours.

 — Vous avez raison, mais ils sauront aussi m’attendre !

   Anna se penche un peu, et ses lèvres viennent frôler la joue du vieux monsieur qui la chasse presque de son atelier. Le bisou sonore claque dans la pièce qui n’est seulement meublée que par un long canapé, un fauteuil et un chevalet. Partout des chiffons, des tubes de peintures et des bidons contenant divers produits et aussi des toiles, empilées ici ou là.  Elle file vers la porte, et il la rappelle.

 — Anna ! Tu oublies ton enveloppe sur la tablette de la fenêtre.

 — Ah ! Zut ! Vous avez raison ! Sinon comment vais-je payer mon loyer sans cela !

   Elle se retourne et affiche un large sourire. Elle lui fait un clin d’œil et la voici déjà dans les escaliers qui mènent à la ruelle. De là, elle va rejoindre l’université toute proche. Depuis deux semaines, elle vient deux fois par semaine chez ce charmant vieux bonhomme. Elle a rencontré Victor au bistrot où les étudiants ont l’habitude de venir boire un pot entre deux cours, ou le soir. Enfin c’est d’abord un étrange poulet qu’elle a lu avant de le contacter le second soir à ce même bar.

Lui avait laissé un message, sur le mur dédié à la réception d’annonces entre étudiants.

 » Peintre cherche jeune femme pour modèle ! Rémunérations à l’heure au tarif légal. Si vous êtes intéressée, veuillez laisser vos coordonnées au barman, qui transmettra ! « 

   Elle avait donc vu le barman, et celui-ci lui avait indiqué que le peintre s’appelait Victor et qu’il était bien connu, mais plutôt du côté de Montmartre. Elle avait donc donné son adresse et son téléphone à cet intermédiaire insolite. Le soir même, elle était contactée par le fameux Victor. Ils s’étaient donc rencontrés au bar. Ses cheveux argentés, sa barbe tout lui avait donné un sentiment de confiance et puis il y avait eu le prix des séances. Victor offrait pour une heure de pause le prix d’une semaine de loyer et pour une étudiante venue de province, ce n’était pas rien.

   La semaine suivante, le mercredi pour être exact, elle arrivait dans l’atelier du peintre. Si sa démarche semblait assurée, son cœur par contre, battait déraisonnablement fort. Mais il avait su la mettre à l’aise de suite, sans la brusquer. Elle avait pendant de longues minutes, admiré quelques-unes de ses toiles et les avait jugées plutôt bonnes. Ensuite il lui avait gentiment demandé de se mettre en tenue de pose. Elle avait alors, comme il le lui conseillait, quitté sa jupe, son chemisier, son soutien-gorge, et sa culotte et Victor ne lui avait même pas jeté un coup d’œil. Elle ne l’avait pas senti voyeur pour un rond, surtout.

   À la fin de la séance, il lui avait remis une enveloppe et dans la rue, elle avait apprécié la somme qu’elle contenait. Depuis, elle était revenue à deux reprises et c’était toujours le même rituel. D’abord le déshabillage, puis elle se mettait en place, dans la position qu’il suggérait, sans jamais intervenir physiquement. Il la guidait juste de la voix pour qu’elle prenne la pose qu’il demandait. Bien sûr curieuse, elle aurait bien voulu voir un peu ce qui ressortait d’elle, sur la toile ! Mais là-dessus Victor se montrait intransigeant. Ne rien montrer avant d’avoir fini. Après tout, comme elle était bien payée…

   Alors comme il venait de lui faire comprendre qu’il envisageait encore quatre séances minimum, elle n’allait pas cracher dans la soupe. Finalement c’était bien pratique, cette manière de gagner de quoi vivre mieux, sans rien réclamer à sa mère. Bon ! Elle ne lui dirait sans doute jamais qu’elle se dénudait devant un homme qui pourrait être son père. Sa mère ne comprendrait surement pas. Dans sa tête, elle comptait les quatre séances à venir et son ordinateur portable, celui dont elle avait tant besoin, elle pourrait se l’offrir. La pluie risquait juste, de retarder cet achat, mais quelle importance, un jour de plus ou de moins.

 — Allo ! Victor ? Il ne pleut pas ! Il ne fait pas beau non plus, alors dites-moi, que dois-je faire ?

 — Prends un livre et viens ! Je peindrai près de toi, ta compagnie me donne de l’inspiration ! Je te dédommagerai comme d’ordinaire.

 — Oh ! Oui, je viens ! Votre atelier est calme et reposant, plus que ma chambre ici ! Alors, ne parlons pas d’argent, s’il vous plait ! Votre compagnie est rassurante.

 — Rien ne doit t’obliger cependant à venir me tenir compagnie ! Tu as surement des amis qui comptent sur toi, non ?

 — Non, la vôtre est mille fois plus calme !

 — À ta guise alors ! Anna ! Ma porte t’est ouverte !

 — Merci Victor !

   Anna est partie de sa chambre pour rejoindre l’atelier du vieux peintre. Elle le trouve à sa fenêtre, comme s’il guettait sa venue, comme s’il l’attendait. Elle monte rapidement les quelques marches qui la séparent de ce lieu de calme. À l’intérieur, sur le chevalet, un portrait, celui d’un jeune homme. Sa blondeur surprend, désarme aussi et la jeune femme ne quitte pas des yeux ce garçon que l’on dirait si vivant. Elle a soudain l’incroyable impression que les yeux de la peinture la regardent, qu’ils la suivent. Elle se dit qu’elle aimerait voir, rencontrer l’original de cette reproduction quasi parfaite.

   Victor la suit quelques secondes puis, perdu dans ses pensées, il s’empare d’un pinceau et il retouche ici, une mèche de cheveux, là, un pli du pantalon du garçon. Anna ne sait où se mettre, alors elle sort de sa besace de toile, un livre et va s’installer sur le divan.

 — Tu peux te mettre comme d’habitude, tu sais ! Même si je ne te peins pas, je m’imprégnerai de ton image et c’est parfois bon pour la retranscrire ensuite.

 — Vous voulez dire dans la tenue dans laquelle vous me peignez ?

 — Oui, je veux dire nue ! Comme d’ordinaire.

   Un peu surprise, mais pas vraiment choquée, Anna se désape rapidement et elle file sur le canapé. Elle a cependant gardé son livre et elle se plonge dans la lecture de l’ouvrage, celui-ci l’entraînant très vite dans ses situations cocasses. Alberto Moravia, c’est un grand auteur dont elle raffole vraiment. Elle en oublie totalement la présence du vieil homme qui continue ses retouches à sa peinture.

 — Tu as vu ce jeune homme que j’ai peint ?

   Elle lève les yeux et voit Victor qui ne la regarde absolument pas. Il lui faut juste quelques secondes pour se dire que c’est bien à elle qu’il s’adresse.

 — On dirait… regarde ce beau visage d’ange ?

 — Euh ! Oui c’est un beau garçon !

 — Beau ? Non il est plus que ça ! C’est un miracle ce gamin, tu sais ! Un jour j’aimerais vous peindre tous les deux ensembles là sur mon divan ! Tu pourrais poser avec ce jeune homme à tes côtés ?

 — Ben ! À vrai dire… je ne sais pas ! Je n’y ai pas vraiment songé.

 — Je souhaiterais que tu y penses et que tu me donnes ton sentiment sur la possibilité de le faire ! Tu pourrais ainsi avoir quelques enveloppes supplémentaires.

 —… !

   Anna ne dit rien, elle baisse les yeux, et fait mine de se concentrer sur son livre. Victor ne parle plus non plus, il s’absorbe totalement dans la finition de son portrait. À la dérobée, il jette tout de même un œil sur cette savoureuse plante qui est là sur son canapé. Les longues jambes de cette poupée brune sont légèrement repliées sous elle, et au croisement de ces deux admirables fuseaux, de jolis poils bruns soyeux forment un triangle que bien des jeunes gens doivent convoiter. Lui se moque éperdument de cet endroit, il ne voit que la plastique, que les courbes et les arrondis de ce corps de femme. Une perfection si rare, qu’il aimerait bien en faire ressortir tous les attraits. Il est certain que sa toile, finie, sera une pure merveille !

   Et ce gamin dont il achève, par des gestes assurés, les contours étranges, s’il parvenait à associer l’une avec l’autre ! Sûr que cela constituerait le chef-d’œuvre de sa peinture. Il imagine déjà ces deux-là réunis sur la toile par sa palette de couleur, par sa patte et son œil avertis. Il s’en délecte de leurs nudités que son esprit entrevoit, que son imaginaire lui laisse penser comme une trace de ses envies créatrices. Mais si Anna sera sans doute d’accord, il en va autrement de Luis. Mais bon ! Il a vu le regard de son modèle masculin s’enflammer, à la seule vision d’une simple ébauche de son corps à elle.

   Anna est plongée dans « l’ennui » comme elle l’a déjà fait dans « le mépris », subjuguée par la dissection spécifique des rapports amoureux entre les êtres, sortis tout droit de l’esprit de Monsieur Pincherle. Elle goûte aux joies étranges de ces amours si simplement compliquées. Elle s’apparente davantage à une Cécilia aux prises avec un Dino, mais sans pour autant aimer la femme que l’on couvre de billets de banque. L’argent n’a de valeur que pour la vie qu’il représente. Poser nue est une chose, vendre son corps et son âme en est une autre, tellement plus hasardeuse. Mais là sur ce sofa, la vision de ce jeune garçon aux cheveux si blonds, lui remonte à la mémoire, perturbant pour un temps le bon ordre de sa lecture.

   Quant à Victor, il n’imagine rien d’autre dans ce corps de femme dévêtu, que le modèle de la femme idéale, celle qu’il aurait à vingt ans, aimé rencontrer. Il a bien saisi qu’elle allie des formes superbes à une intelligence hors norme. Il soupire soudain, se disant que le choix entre le garçon et cette fille est délicat, qu’il est pratiquement insurmontable. L’envie de les peindre ensemble ne serait sans doute qu’un prétexte pour entrevoir les réactions de l’un et de l’autre. Il se demande si Luis banderait pour cette fille, si elle pourrait avoir envie du jeune homme. Peut-être lui dira-t-elle qu’elle est d’accord pour poser avec son protégé. Luis le sera-t-il ? C’est une autre paire de manches.

 — Tu es très belle, Anna ! Ton livre est intéressant ?

 — Merci ! Oui j’adore Moravia !

 — C’est l’auteur que tu aimes ou sa vision de la vie, de l’amour et ses traductions de celle-ci dans ses romans ?

 — C’est sans doute un peu de l’ensemble ! C’est de toute manière, il sait si bien raconter ! C’est plaisant !

 — Je ne vais pas te dévoiler la fin de celui-là, il y a bien longtemps que je l’ai lu, mais tu me raconteras un jour, si comme elle, tu apprécierais d’être une femme-objet !

 — Je vous le dirai ! Mais ne suis-je pas déjà un peu quelque chose de celle-ci en me déshabillant pour le plaisir de vos yeux et de vos toiles ?

 — Comme tu y vas ma jolie ! Je ne te couvrirai jamais d’or ou d’argent, je ne t’offre que ce que je pense être juste !

 — Ah ! Bon ! Et à combien estimeriez-vous la justesse de cet après-midi ?

 — Deviendrais-tu vénale à force de poser pour moi ? Je ne parviens pas à y croire !

 — Non, simple question, due à mes lectures, rassurez-vous, je n’ai besoin d’argent que pour vivre et je ne vis pas encore pour en gagner.

 — As-tu un peu réfléchi à ma proposition de poser avec ce charmant jeune homme ?

 — Non, mais si ça peut vous faire plaisir, ce sera avec joie ! Lui est-il d’accord du reste ?

 — Il ne le sait pas encore ! Nous saurons cela rapidement !

   Le vieux peintre a posé son pinceau, puis il est venu s’asseoir au pied de la jeune femme, sur le bord du divan. Elle ne bouge pas, ne cherchant nullement à cacher ses rondeurs exquises. Les pointes de ses seins, libres, forment une tache plus sombre sur la blancheur de sa peau. Le bas de son ventre est juste placé sous le livre ouvert, dissimulé sans l’être, juste comme ça, par hasard. Anna respire normalement ; elle n’a pas peur de cet homme qui ne regarde que le tapis sur lequel est posé le sofa. Il donne l’impression de ne voir que le bout de ses pieds à lui. Il tend machinalement la main sur le côté et le bout de la jambe de la jeune femme est happé par la main douce qui lui transmet sa chaleur. Elle ne bouge pas, se contentant seulement de fermer le livre, non sans y avoir introduit le marque-page.

   Lui lisse, de la paume, ce petit pied qui semble apprécier cette arrivée inattendue. La fille respire un peu plus fort, se demandant si elle doit s’offusquer de ces gestes paternels, se lever brusquement, quitter l’atelier ou laisser faire le vieil homme. Elle opte pour une attitude relaxe et ambiguë. Elle se tourne pour que son corps soit plus à plat sur le canapé. Ce faisant bien sûr, le mouvement entraîne un changement de position de l’axe de son corps et entrouvre une seconde, la fourche de ses cuisses. Victor s’est aussi reculé pour que son dos touche le fond du sofa. Maintenant il a ses deux jambes en travers des genoux et il persiste dans sa caresse du pied qu’il n’a pas quitté.

   Toujours aucun regard vers ce centre de femme bien visible, sur cette toison qui fait comme une tache d’ombre sur le blanc de la peau. Anna suit des yeux la main qui ne cherche pas à s’éloigner des orteils. Elle est bien, ni provocante, ni inaccessible, elle est languissante sous les doux aller et retour d’une main délicate. La sensation d’être une vraie femme, d’être le centre d’intérêt de ces doigts qui glissent entre chacune des phalanges du peton, d’être calmée par ces gestes si… délicatement féminins. Pourtant tout dans l’attitude de Victor dénote de cette remarque qu’elle se fait intérieurement !

   Elle se surprend à espérer, à avoir envie que la main quitte l’extrémité la plus basse de son corps, pour venir chatouiller plus haut, qu’il la touche comme une femme. Mais non ! Lui se contente de cela. Au bout d’un moment qui lui semble une éternité, il lâche le pied doucement, lui murmure deux ou trois mots qu’elle ne saisit pas.

 — Bon et bien, tu dois filer maintenant !

 — Déjà ? Vous êtes sur que vous voulez que je parte ?

 — Oh ! Oui ! Aller plus avant n’offrirait aucun avantage à ta jeunesse et dévaloriserait mon grand âge ! Gardons chacun nos espoirs, et nos souvenirs. Gardons nos rêves veux-tu !

   Elle s’est vêtue en silence, alors que lui est reparti dans sa peinture, les yeux rivés à sa toile. Sa bouche vient encore une fois, effleurer le cuir du visage de Victor. Elle le fait volontairement bruyant ce bisou. Lui, d’une patte agile, glisse dans son sac une petite enveloppe rouge. La rue retrouve une Anna un peu chamboulée, un peu perdue aussi. Elle se serait bien abandonnée à des caresses plus osées. Mais ce respect de sa jeunesse lui laisse un gout d’inachevé. Ses reins sont en feu et elle a envie d’amour. Pas celui d’un père pour sa fille, non, d’un amour plus physique avec des marques d’attentions et un sexe dur qui la prendrait. Elle l’aurait laissé la récolter, sur ce divan confortable, pour peu qu’il en ait eu l’idée et l’envie.

   Il n’y a que peu de chemin, entre sa chambre minuscule et l’atelier. Les minutes qui lui suffisent pour le franchir sont rapidement épuisées. Elle se jette sur son lit comme on se lance à l’eau ! Puis se ravisant, elle quitte de nouveau tous ses vêtements pour se noyer sous une douche qu’elle aimerait bénéfique. L’eau tiède ne fait que raviver des images, et celle qui remonte lentement à la surface c’est une frimousse blonde, un garçon qui lui parait… appétissant. Alors elle laisse errer ses mains fines sur des endroits qui lui donnent du plaisir. Un bonheur tout simple, pour une envie toute bête. Ses doigts vont de sa poitrine à ce pubis ruisselant sous le jet de la pomme de douche. C’est très rapide et les spasmes qui s’emparent d’elle, lui prouvent qu’elle avait vraiment, une énorme envie.

— oooOOooo —

   Le bistrot est bourré de consommateurs qui sont là, agglutinés à chaque table. Anna a retrouvé ses amis, elle veut s’étourdir, et pour cela, quoi de mieux que quelques cocktails ? Elle n’est pas retournée chez Victor, mais il faut aussi dire qu’il tombe des cordes depuis jeudi et que la météo n’est pas clémente pour les jours à venir. Aux premiers verres, elle sait que demain sera difficile ! Il est des dimanches où la gueule de bois est terrifiante. Elle écarte les copains aux mains trop envahissantes, et alors que minuit vient de sonner, elle décide qu’il est grand temps d’aller cuver. Quelques zigzags plus loin, affalée sur son lit, elle a l’impression que la marée va l’emporter. Elle s’accroche à la tête de sa couche, en fermant les yeux.

   Derrière ses paupières closes, malgré le reflux insistant de ses trop nombreux verres, une figure blonde surnage, solitaire et souriante.

« Bon ! Ben voilà autre chose ! Qu’est-ce que tu me veux toi ? Hein ? Tu es trop beau pour être honnête ! Qui es-tu ? Pourquoi me poursuis-tu depuis l’autre jour ? En plus tu es blond, et je n’aime pas les blonds d’habitude. Tu es trop beau, mon salaud, tu es trop beau sur ta toile là-bas !

Merde ! Laisse-moi cuver mes verres en paix ! Allez disparaît dans ma nuit ! Va te faire voir ailleurs ! Laisse-moi tranquille ! »

  Elle se laisse aller, couler dans cette nuit, naufragée d’un soir de beuverie ordinaire. Morphée la prend enfin dans ses longs bras et elle souffle fort, ronflant et soufflant de tous ses pores, ce trop-plein d’alcool. Le réveil de ce dimanche matin est douloureux, merci à l’inventeur du paracétamol. Les bulles salvatrices explosent dans le gobelet, et elle boit en tentant d’en oublier l’âpreté. Puis alors que sa marche a repris un alignement correct, elle se précipite de nouveau sous la douche. Quel bonheur que cette pluie domestiquée que lui distille le jet, habilement dirigé sur sa tête. Devant la glace de sa coiffeuse, elle remet un peu d’ordre, sur sa face délitée par l’excès de boisson. Les cernes sont habilement dissimulés, sa bouche retrouve un rouge qui lui va bien.

   Sur la table de chevet, son portable s’agite, vibrant rappel du monde extérieur. Entre ses doigts, elle appuie sur les touches et le message apparaît.

 — Bonjour Anna ! Luis est d’accord pour poser avec toi ! Le soleil revient mercredi ! Alors si tu n’as rien de mieux à faire, nous pourrions débuter mon nouveau tableau, ou terminer celui que j’ai déjà mis en route. Bise et à bientôt –

Victor.

   Les cours des deux jours suivants sont suivis par Anna qui se remet de sa cuite mémorable. Le mercredi, elle profite de son matin, en passe une partie au lit et se prépare pour cette séance à laquelle elle n’a pas trop réfléchi. Un repas léger au « restau U » et la voici qui marche tranquillement dans les rues, direction l’atelier de Victor. Une sorte de nœud lui contracte l’estomac. S’il est simple, aisé, de se dévêtir devant un homme comme le peintre, il lui semble moins évident de le faire en présence d’un garçon de son âge. Les raisons en sont multiples, la première étant bien sûr, le possible désir de l’autre, voire, peut-être le sien.

   Les escaliers ! Franchis sans hâte, mais avec une certaine crispation ! Et la porte de l’antre aux odeurs de peinture, de vernis et d’essence de térébenthine qui se referme sur son passage ! La jeune femme n’est pas très à l’aise.

 — Ah ! Anna ! Te voilà ! Bonjour ma belle.

 — Bonjour Victor !

 — Tu es à l’heure toi ! Je ne sais pas si Luis viendra ! Il n’a pas donné signe de vie ! Mais il est toujours en retard, alors… !

 — Nous l’attendons ? Ou… que dois je faire ?

 — Écoute, on se prend une petite minute pour tous les deux, on boit un café si tu veux ! Et s’il n’est pas arrivé d’ici là, nous finirons ton portrait.

 — C’est vous le boss ici, Victor !

 — J’aimerais que tu me considères comme ton ami plutôt ! C’est possible çà ?

   Elle a levé les yeux vers le vieil homme, et le sourire qu’elle lui a fait lui a exprimé la réponse sans un mot. Sur un réchaud de scout, l’eau qui chauffe est ensuite passée sur un filtre, rempli d’une poudre de café. Dès les premières gouttes qui coulent dans le récipient de verre, un parfum subtil, embaume la pièce. Ensuite d’une main sure, Victor verse dans deux tasses minuscules, presque religieusement, un breuvage d’un noir intense.

 — Sucre ou non ?

 — Non merci, nature s’il vous plaît.

 — Moi tu vois, je place le sucre sur ma langue et le café le fait fondre doucement dans la bouche. On peut aussi faire la même chose avec un carré de chocolat. Malheureusement, je n’en ai pas.

 

   Les yeux de la jeune femme suivent le rectangle blanc qui vient se poser sur la langue rose. Le geste n’a rien d’érotique, mais cependant il allume une certaine convoitise dans l’esprit d’Anna. Elle tente, en prenant une gorgée de ce café fort en gout, de calmer les images qui rappliquent dans sa tête. Étrange comme un simple petit sucre sur un bout de langue peut déclencher des idées… sournoises.

   Elle ferme les yeux, çà va passer c’est sur, elle va se calmer. Les tasses sont vides et le garçon se fait toujours attendre.

 — Bon ! Je crois que notre ami Luis a d’autres obligations, sans doute n’a-t-il pas pu se libérer. Nous allons nous mettre au travail ! Je voudrais profiter de cette luminosité pour avancer dans ce tableau. Tu veux bien te mettre en place ?

 — Oui, bien sûr !

   Ses chaussures sont sous le fauteuil qui va accueillir sa jupe. Celle-ci vite posée, est immédiatement rejointe par la chemise de satin de la jeune femme. Elle passe ses mains dans son dos, fait sauter le fermoir du soutien-gorge, et les deux seins qui en jaillissent sont pleins de fraicheur dans le soleil de ce début d’après-midi. La culotte, minuscule, pratiquement transparente, attrapée entre deux doigts de chaque main, glisse vers le bas des cuisses. Puis un genou relevé, elle passe le cap du premier pied. Même rituel pour le second ripaton et le tissu est jeté sur le tas formé par le reste des habits de la demoiselle.

   Pendant les courts instants que dure l’effeuillage, Victor a l’air absorbé par les préparatifs de sa toile. Son visage penché sur le chevalet, il ne perd cependant pas une miette de ce spectacle affolant. Au début, Anna se trouve de dos et la jupe qu’elle retire laisse apparaître un voile léger, cachant le bas de ses reins. Puis le chemisier montre la bande sombre de l’attache du « cache-néné ». Quand les mains, adroitement en défont l’agrafe, c’est un vrai bonheur que ces deux collines roses qui explosent à la vue du peintre. Bon sang qu’elle est belle, cette nénette.

   Puis charmante scène, que celle où les doigts féminins font glisser vers le bas ce ridicule cache-sexe de mousseline. Quand elle plie la jambe dont le pied est en l’air pour que passe l’objet, sa raie culière s’entrouvre sans fausse pudeur et il se rince l’œil. C’est furtif, c’est rapide. Le cérémonial recommence pour l’autre pied et c’est bandant. Sans gêne, elle masse les deux globes aux tétons brun foncé, tout en se dirigeant vers le lieu de pose. C’est tout en grâce, tout en légèreté. Un rappel cuisant des années passées pour Victor, mais au fond de son ventre, il a quand même senti comme un sursaut d’orgueil, une semi-érection naissante.

 — Tu n’as pas pris ton livre Anna ?

 — Oh ! Pardon ! Je ne sais pas où j’ai la tête en ce moment.

   Alors qu’elle venait de s’étendre de tout son long, elle se remet assise et la jolie chatte camouflée par un buisson brun laisse entrevoir sa douce fente, encore fermée. En deux temps et trois mouvements, elle se remet en position avec le bouquin sur le devant de sa foufoune, masquant élégamment l’entrée de la grotte. L’œil va de la fille au chevalet, du chevalet à Anna. Il saisit chaque nuance, chaque grain de peau, chaque point de lumière sur un corps que la main projette sur la toile. C’est un modèle unique, un modèle parfait. Victor n’est plus un homme, il est le prolongement de son regard, il est le pinceau qui couvre de sa palette colorée les contours superbes de la femme.

   Soudain un coup discret frappé dans la porte et la tête d’Anna se tend vers l’huis. Luis entre sans attendre un mot.

 — Pardon si je suis en retard ! Je viens de l’autre bout de Paris et les bus sont en grève ; je n’aime pas le métro ! Bonjour Victor ! Bonjour Madame !

 — Entre, entre mon garçon, viens vite ! Je te présente Anna. ; Anna voici Luis.

 — Bonjour !

 — Bon tu veux travailler un peu ou je finis mon essai avec Anna !

 — À vous de me le dire !

 — Mets-toi en tenue alors ! Veux-tu !

   Sans regarder dans la direction de la jeune femme toujours couchée nue sur le divan, le garçon retire lui aussi ses vêtements. Anna se demande quel âge peut avoir celui qui vient d’entrer. Vingt cinq, vingt-six ans tout au plus. Son visage ne porte pas de barbe, pas de trace non plus de poils, mais comme il est blond, c’est peut-être trompeur. Puis il y a le son de sa voix, efféminé au possible. Le sweet du garçon est dans sa main, il ne sait pas trop où le fourrer. Il se dandine sur un pied cherchant la solution. Finalement, il opte pour le lancer sur le tas de vêtements de la fille. Son pantalon, un jean bizarre, serré sur les chevilles finit sa course au même endroit. Pour le reste, point de problème puis qu’aucun slip ne l’encombre.

   Nu comme l’est la fille, il se tourne vers Victor.

 — Bien ! À vous de me dire où je dois prendre la pose.

 — Oui, oui ! Anna, tu veux bien te monter un peu vers l’accoudoir du canapé ? Voilà c’est cela ! Stop ! C’est suffisant. Replie un peu tes jambes, sous toi. Luis, tu te mets dans le même sens qu’elle, tu t’appuies du dos sur sa poitrine, là parfait. Maintenant Anna, tu passes ta main là, pour la faire venir sur la cuisse de Luis. Un peu plus haut, il ne va pas te manger ! Bien ! Parfait, absolument parfait. On ne bouge plus mes enfants.

    Sur le ventre de la jeune femme, les fesses de Luis sont juste collées. Son pubis touche le derrière de cet homme, inconnu encore deux minutes avant. Sa main gauche à elle est sur la cuisse au pli de l’aine et le contact avec la peau est doux. Ni l’un ni l’autre ne respirent, ou ils retiennent leur souffle. La première chose qui vient à l’esprit d’Anna c’est qu’il sent bon. Elle voit sa nuque, avec les boucles blondes qui sans être vraiment longues, restent frisotées. Elle est presque jalouse de cette frisure naturelle.

   Il n’est pas très musclé, et elle se dit que son premier sentiment, la sensation de son homosexualité pourrait bien être vraisemblable. Victor les regarde sans voir autre chose que les deux modèles que son imaginaire guidant sa main va retranscrire sur la toile. De cela non plus Anna n’est plus aussi certaine. Elle a senti que dans les yeux de l’homme s’allumait un reflet ambigu. Les images, des clichés venus du fond de son âme se mettent à trotter dans la caboche de la brune. Elle ne va quand même pas se faire un cinéma pareil pour seulement un regard mal interprété.

   La séance est bien avancée et les muscles de la demoiselle, comme ceux du garçon, commencent à se tendre, se tétaniser. Ils leur font mal, c’est difficile de rester immobile des heures durant. Lui creuse un peu plus son dos et de temps en temps, celui-ci rencontre la pointe d’un sein, s’écrase un peu sur ces deux jolis ballons bien gonflés. Elle s’énerve toute seule de ce contact qui lui chauffe plus que de raison les sens. La main qu’elle tente de garder bien en place sur le haut de la cuisse de Luis, glisse au moindre mouvement du garçon.

   À un certain moment, elle se rend compte que le bout de ses doigts touche quelque chose qui n’était pas là au début de la pose. Comme son visage est contre l’épaule opposée du poseur, elle ne peut donc pas voir de quoi il s’agit. Bien entendu, elle fait comme tout un chacun et tente de savoir, en explorant l’objet de quoi il s’agit. Il lui faut à peine plus de quelques secondes pour être totalement renseignée et elle s’aperçoit de ce fait que ce qu’elle a pu imaginer sur les mœurs de ce jeune homme, est en totale contradiction avec ce qu’elle tâte.

   Victor, c’est lui qui a la meilleure place pour le moment. Il a compris que Luis ne reste pas insensible à la promiscuité de la jeune femme. Du reste, le vieil homme voit bien que la tige qui redresse la tête tout doucement, va bientôt frôler la main de la jeune femme. Imperturbable, il continue à jeter sur le blanc de la toile, les couleurs de ces deux-là. Il sent bien que la fatigue les gagne, ils bougent de plus en plus. Du reste, c’est peut-être aussi son objectif initial, celui de les obliger à aller un peu plus loin dans l’intimité. Mais çà, c’est sur, il ne l’avouera pas, enfin pas aujourd’hui.

   Sur le visage d’Anna, aucune anxiété, seulement de la surprise. Le peintre remarque les doigts qui veulent déchiffrer la chose qui les frôle. Mais elle ne les retire pas quand elle connait l’origine de cette chaleur, que ses phalanges tripotent. Victor la voit qui remue seulement un peu le poignet, faisant de la sorte, coulisser la capuche de l’engin. Une tête rose au début, lisse, se montre, chauve, rassurante, pour devenir comme un velours écarlate qui jaillit sous ses yeux. Les doigts encerclent cette tige et passent dessus, d’une manière tellement naturelle ! Un vrai bonheur pour l’œil talentueux de Victor.

  La fille souffle un peu plus fort et il semble à Luis, en tendant mieux l’oreille, que dans sa poitrine son cœur va se décrocher. Mais est-ce celui de la fille ou bien le sien qui fait un pareil tintamarre ? Il n’en sait trop rien. Pourquoi se met-il à bander de la sorte. La situation n’est vraiment pas d’un érotisme torride. Un vieux qui les chouffe, une gonzesse qui est coincée entre lui et le dossier d’un sofa. Et pourtant, voilà que son vit se redresse. Et puis chaque fois qu’il remue un peu, son dos écrase les nichons de la belle brune, parce que c’est vrai qu’elle est gironde la gaillarde là !

   Juste une seconde ou deux et l’objet a changé de volume dans la main d’Anna. Elle prend conscience que de sa place, Victor suit la scène sans avoir l’air de rien. Et pourtant elle continue, à triturer lentement ce pieu qui se tend, qui s’étire et il lui semble que dans leurs deux poitrines, les cœurs font un barouf impossible à dissimuler. Elle a mal aux muscles de ne pouvoir bouger, la pose devient difficile à garder. Luis se tasse de plus en plus contre elle. Il lui écrase les seins et ceux-ci réagissent d’une bien singulière façon. Les tétons ont durci, ils se plantent dans la chair du garçon.

 — Bon ! Allez, les enfants, une petite pause ! Café pour tout le monde ?

   La voix de Victor qui éclate dans le calme de l’atelier met fin à ces attouchements que la jeune femme juge stupides, après-coup. Comment a-t-elle pu avoir cette audace, elle, si réservée de toucher cette… la queue du jeune homme ? En se relevant, Luis redonne un peu d’air aux poumons d’Anna et elle respire, une grande bouffée, comme pour conjurer les images étranges que son cerveau garde en mémoire. Luis se redresse et alors qu’elle aussi se remet sur ses pieds, dans la lumière distillée par les grandes baies vitrées, Victor et elle ne voient plus que ce sexe érigé, qui persiste à rester bandé.

 — Pardon ! Je… je ne voulais pas. Enfin je veux dire… Je n’aurais pas du toucher !

 — Cool, c’était bien agréable, ne t’inquiète pas, ce sont des choses qui arrivent. On ne peut pas dire que tu ne me fais pas d’effet.

   Luis éclate de rire et les deux autres ne savent plus vraiment s’ils doivent en faire autant ou baisser la tête. C’est le peintre qui le premier suit le garçon sur le chemin de la rigolade et finalement Anna se voit contrainte d’en faire autant. Dans la pièce, l’arôme du café chatouille les narines des trois là. Le regard de Victor va de l’un à l’autre et son œil d’artiste lui laisse entrevoir les ombres douces qui se confondent dans ces deux corps nus, si différents. La peau du garçon d’un joli brun, signe de ses origines hispaniques, contraste tellement avec la blancheur laiteuse de celle d’Anna.

   Alors que les fesses posées au bord du canapé, ils sirotent tous les deux le breuvage acre et noir, Victor ne lâche plus des yeux ces deux-là, qui ne se disent plus un mot. Elle, sans doute penaude d’avoir osé toucher le sexe au point de l’avoir mis en émoi et Luis parce que les sensations que les souvenirs de ces doigts qui le touchaient, risquent de lui redonner la trique. Le charme est rompu, seul Victor l’a saisi, et il décide, la mort dans l’âme, d’abréger la séance ! Inutile de les mettre mal l’aise !

 

 — Le jour décline, alors les enfants, ça suffira pour aujourd’hui ! J’ai bien avancé, vous êtes sublimes tous les deux ! Et ne vous inquiétez pas, pour ce qui s’est passé, cela arrive pratiquement toujours au bout d’un moment et ne prête pas à équivoque. Je dois seulement avouer que c’était un beau spectacle, Anna que ta main qui …  Quant à toi Luis, eh ! bien on peut dire que tu as un beau… potentiel masculin !

  Il se dirige sans détourner les yeux, vers le tiroir du bahut, en sort deux enveloppes.

 — Tiens ma belle, voilà pour toi !

 — Merci.

 — Luis prend cela !

 — Ah ! Mais ça ne presse pas ! Merci Victor !

 — Chacun son dû, merci pour la pose, je sais combien c’est difficile de rester ainsi, à ne pas broncher, alors qu’un vieux fou prend tout son temps pour barbouiller vos formes. C’est aussi pour cela que j’admets que parfois… les esprits s’évadent. Mais je vous le redis, la scène valait son pesant d’or et vous êtes… tellement jeunes, tellement beaux… qu’à mon âge un pareil spectacle est une bénédiction. Attention, je ne suis pas un voyeur, juste un collectionneur d’instants fugitifs et rares ! Comme vos sourires à tous les deux ou parfois une grimace de déplaisir. Je capte ces nuances qui vont et viennent sur vos visages, mais aussi de temps à autre… ailleurs. En tous cas, vous êtes admirables, mes enfants. Bon et bien je ne vous retiens pas ! La vie est derrière cette porte, au grand jour, au soleil ! Profitez-en le plus possible et je vous attends mercredi !

 — Au revoir Victor !

   Anna embrasse le vieil homme sur les joues. Dans les yeux de celui-ci, toute la beauté de la jeune femme se reflète. Luis tend la main et les deux hommes se serrent les doigts. La rue est là qui accueille les deux oisillons. Silencieux, ils marchent l’un à côté de l’autre, alors que de sa fenêtre, là-haut, l’artiste suit les silhouettes qui rétrécissent au fur et à mesure qu’elles s’éloignent de l’atelier. Comme ils vont bien ensemble, comme ils forment un joli couple… D’un revers de main, Victor essuie cette poussière qui s’est logée comme par hasard au coin d’un œil et lui amène une larme. Ah si la vie lui avait donné des enfants ! Sûr qu’ils ressembleraient à ces deux-là !

 — oooOOooo —

A suivre…

 

 

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